Azteca
pendant une journée et une
nuit, était montée, dans certains quartiers de la ville, jusqu’à hauteur
d’homme. Les maisons basses qui n’étaient pas construites en pierre s’étaient
effondrées et certaines constructions en hauteur avaient même été renversées.
Il y avait de nombreux blessés et une vingtaine de personnes – des enfants pour
la plupart – avaient été noyées ou écrasées. Mais les dégâts s’étaient arrêtés
à la partie de la ville où les conduites et les réservoirs avaient
débordé ; cette eau s’était déversée dans les canaux dès que les Chevaliers-Aigle
avaient brisé l’aqueduc.
Avant qu’on ait eu le temps de dégager les gravats de cette première
inondation, une seconde se produisit et bien plus grave. Nous avions seulement
rompu l’aqueduc, nous ne l’avions pas bouché et les autres chevaliers envoyés
sur la terre ferme avaient été incapables d’étancher la source, aussi l’eau
continuait-elle à déferler dans la portion du lac comprise entre les chaussées
ouest et sud. Pendant ce temps, le vent soufflait toujours de l’est, empêchant
le trop-plein d’eau de s’écouler dans le lac Texcoco par les ouvertures de la
digue et les canaux de la ville. Aussi, les canaux se remplirent et
débordèrent, l’eau monta sur l’île et envahit Tenochtitlán.
Aussitôt après cette inauguration manquée, Ahuizotl envoya un messager
à Texcoco et Nezahualpilli arriva immédiatement à la rescousse. Il dépêcha une
équipe d’ouvriers sur les lieux de l’intarissable source de Coyoacán et, comme
tout le monde l’espérait, il trouva un moyen pour arrêter le flot. Je ne
connais pas cet endroit, mais je sais qu’il est situé sur une hauteur et je
pense que Nezahualpilli dut faire creuser un réseau de tranchées qui détourna
une partie de la source de l’autre côté de la colline, sur des terres désertes.
Une fois que le flot fut dompté et l’inondation terminée, on répara l’aqueduc
pour le remettre en service. Nezahualpilli avait établi les plans d’un système
qui permettait de régler le débit selon les besoins et c’est cette eau que nous
buvons encore aujourd’hui.
Mais, tandis que Nezahualpilli travaillait avec ses hommes, la deuxième
inondation demeura à son niveau maximum quatre jours entiers. Il n’y avait
presque pas eu de victimes, mais la ville était aux deux tiers détruite et il
fallut près de quatre années pour la reconstruire. L’inondation avait fait de
nombreux dégâts. A Tenochtitlán, la plupart des maisons étaient construites sur
pilotis, mais uniquement dans le but de les mettre à l’abri de l’humidité du
sol. Ces fondations n’étaient pas prévues pour résister à des courants violents
et, en effet, beaucoup ne résistèrent pas. Les maisons d’adobe fondirent tout
simplement dans l’eau ; les maisons de pierre, grandes ou petites,
s’écroulèrent.
Ma maison était intacte, sans doute parce qu’elle était neuve et plus
solide que les autres. Au Cœur du Monde Unique, les pyramides et les temples
étaient, eux aussi, restés debout ; seul le « mur des crânes »
s’était écroulé. Mais en dehors de la place, un édifice entier s’était effondré
– le plus neuf et le plus somptueux de tous – le palais d’Ahuizotl. Je vous ai
dit qu’il enjambait l’un des principaux canaux de la ville. Quand ce canal
déborda, il inonda d’abord le premier étage, ce qui provoqua l’éboulement de
tout le palais.
Mais je n’étais pas au courant de tous ces événements et je ne savais
pas si j’avais encore une maison, avant que la dernière vague se soit retirée.
Au cours de la seconde inondation, la montée des eaux fut moins brutale et on
eut le temps d’évacuer la ville. A part Ahuizotl, les membres de son
gouvernement, la garde du palais, quelques régiments de soldats et un petit
nombre de prêtres qui continuaient obstinément à prier pour une intervention
divine, toute la population de Tenochtitlán, y compris moi-même, mes deux
domestiques et ce qui restait de ma famille, avait fui par la chaussée du nord
pour chercher refuge dans les villes de la terre ferme, à Tepeyac ou à
Atzacoalco.
Et maintenant, revenons à cette matinée où je rentrai chez moi avec mes
insignes détrempés de Chevalier-Aigle…
A mesure que je me rapprochais, il me semblait de plus en plus évident
que le quartier d’Ixacuálco avait été l’un des plus touchés par le premier
flot.
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