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Azteca

Azteca

Titel: Azteca Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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quand j’ouvrais les deux, je
voyais deux filles identiques. Je m’approchai d’elle en vacillant et je lui fis
maladroitement signe en insistant lourdement de venir essayer un autre jeu.
    Elle acquiesça en souriant, mais se dégagea. « Il faut d’abord
m’attraper », me dit-elle en s’enfuyant dans le canon.
    Je savais que j’étais incapable de me mesurer à la course avec les
hommes de ce pays, mais j’étais sûr de pouvoir rattraper une femme. Pourtant,
je n’y arrivais pas, bien que j’eusse l’impression qu’elle ralentissait pour me
faciliter la tâche. Je m’en serais peut-être mieux sorti si je n’avais pas tant
mangé et tant bu. De plus, les distances sont difficiles à évaluer d’un seul
œil, mais même si la fille était restée sans bouger, je ne l’aurais sans doute
pas attrapée. Quand j’ouvrais les deux yeux, je voyais tout en double, les
racines et les rochers et quand je voulais passer entre deux obstacles, je me
prenais inévitablement les pieds dans l’un d’eux. Après être tombé neuf ou dix
fois, je voulus sauter par-dessus un de ces doubles obstacles et je m’étalai
sur le ventre si violemment que j’en eus la respiration coupée.
    Tout en continuant à fuir, la fille jetait des regards en arrière. Elle
s’arrêta, revint vers moi et me déclara avec un accent un peu exaspéré :
    « On ne pourra pas jouer à autre chose tant que vous ne m’aurez
pas vraiment attrapée, si vous voyez ce que je veux dire. »
    Je n’arrivais pas à articuler le moindre mot ; j’étais plié en
deux, cherchant mon souffle et bien incapable de jouer à quoi que ce soit. Elle
fronça les sourcils, partageant visiblement la lamentable opinion que j’avais
de moi-même. Tout à coup, son visage s’éclaira.
    « Je n’ai pas pensé à vous le demander. Avez-vous pris du
jipuri ? »
    Je secouai faiblement la tête.
    « C’est pour ça ! Les autres ont cet avantage sur vous, vous
ne leur êtes pas inférieur, c’est le jipuri qui leur donne de la vigueur.
Venez ! On va vous en donner. »
    J’étais toujours roulé en boule, mais je commençais à retrouver ma
respiration et son ordre impératif ne souffrait pas de refus. Elle me prit la
main pour m’aider à me relever et elle me conduisit vers le centre du village.
Je connaissais déjà les effets du jipuri car on l’importait par toutes petites
quantités à Tenochtitlán où il était réservé aux prêtres qui rendaient les
oracles. C’est un petit cactus qui ne paye pas de mine. Rond et rabougri,
poussant au ras du sol, le jipuri devient rarement plus grand que la paume de
la main. Il se divise en plusieurs renflements, ce qui le fait ressembler à une
minuscule citrouille d’un gris-vert. C’est quand on le mâche tout frais qu’il
fait le plus d’effet, mais on peut le faire sécher et le conserver
indéfiniment. A Guaguey-bo, des chapelets entiers de ces végétaux desséchés
pendaient aux poutres des huttes à provisions. Je levai la main pour en
attraper, mais elle m’arrêta :
    « Attendez ! Est-ce que vous avez déjà mâché du
jipuri ? »
    Je secouai à nouveau la tête.
    « Alors, vous êtes un ma-tuâne, celui qui cherche la lumière
divine pour la première fois. Non, ne grognez pas. Ce ne sera pas long. »
Elle jeta un regard circulaire sur les villageois qui tous mangeaient,
buvaient, dansaient ou couraient.
    « Ils sont trop occupés. Mais le si-riame n’a rien à faire. Je
suis sûre qu’elle voudra bien se charger de votre purification. »
    Nous nous dirigeâmes vers la petite maison de bois et elle agita une
cordelette suspendue à côté de la porte, où étaient enfilées des coquilles
d’escargots. La femme-chef, toujours vêtue de ses peaux de jaguar, releva le
rideau de daim et nous dit, «  Kuira-ba  », en nous faisant
poliment signe d’entrer.
    « Si-riame, commença la jeune fille, voici Mixtli, le Chichimeca
qui est en visite chez nous. Comme vous le voyez, il n’est plus tout jeune,
mais il ne court vraiment pas vite, même pour quelqu’un de cet âge. Il n’est
pas arrivé à me rattraper et j’ai pensé que le jipuri pourrait lui donner un
coup de fouet, mais il m’a dit qu’il n’avait encore jamais cherché la lumière
divine, aussi…»
    Pendant ce discours peu flatteur, la femme-chef n’avait cessé de me
regarder avec des yeux amusés.
    « Je ne suis pas un Chichimeca », balbutiai-je, mais elle
ignora ma remarque et s’adressa à la

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