Azteca
l’espion
qui s’était précipité aussitôt à Tenochtitlán avec un croquis qu’il avait fait
de cette flotte.
J’étais dans la salle du trône avec les membres du Conseil quand Motecuzoma
envoya un page avertir Cortés. Saisissant cette occasion pour faire croire
qu’il savait tout, voici comment l’Orateur Vénéré lui apprit la nouvelle par ma
bouche :
« Capitaine Général, votre roi Carlos a bien reçu votre message
avec votre premier rapport sur ce pays et les présents que vous lui avez fait
parvenir. Il est très content de vous. »
Cortés eut l’air fortement étonné et impressionné.
« Comment Don Señor Montezuma peut-il le savoir ?
demanda-t-il.
— Parce que votre roi a envoyé une flotte deux fois plus
importante que la vôtre, vingt navires pour vous ramener chez vous.
— Ah bon, fit Cortés, ne voulant pas laisser paraître son
incrédulité. Où sont-ils ?
— Ils approchent, répondit Motecuzoma avec un air mystérieux. Vous
ne savez peut-être pas que nos devins voient à la fois dans l’avenir et au-delà
de l’horizon. Voilà le dessin qu’ils ont fait alors que les vaisseaux étaient
encore en pleine mer. Je vous le montre maintenant parce qu’ils ne vont pas
tarder à apparaître au large de votre garnison.
— Stupéfiant ! s’exclama Cortés en examinant le croquis. Oui…
des galions… des navires de ravitaillement… si ce mauvais dessin dit vrai… mais
pourquoi y en a-t-il vingt ? ajouta-t-il en fronçant les sourcils.
— Bien que nous soyons très honorés de votre visite et que j’aie
personnellement fort apprécié votre compagnie, je suis heureux que vos
compatriotes arrivent et que vous ne soyez plus isolés sur une terre étrangère.
Ils viennent pour vous ramener chez vous, n’est-ce pas ? demanda l’Orateur
Vénéré avec une certaine insistance.
— C’est ce qu’il semble, répondit Cortés avec une expression
quelque peu perplexe.
— Je vais donner ordre qu’on ouvre les chambres des
trésors », dit Motecuzoma qui paraissait heureux de l’imminence de
l’appauvrissement de son pays. Mais, au même moment, l’intendant du palais
entra dans la salle du trône en compagnie de deux hommes. C’étaient deux
messagers envoyés par Patzinca et qui avaient été dépêchés au palais par les
chevaliers totonaca restés sur la terre ferme. Cortés jeta des regards
embarrassés autour de lui et je voyais bien qu’il aurait préféré les interroger
en privé. Cependant, il me demanda si je voulais bien traduire pour tout le
monde ce qu’ils avaient à dire. Le premier apportait un message dicté par
Patzinca :
Vingt navires, les plus gros qu’on ait jamais vus, viennent d’arriver
dans la baie de Villa Rica de la Vera Cruz. Mille trois cents soldats blancs en
sont descendus. Huit cents ont des arquebuses, cent vingt des arbalètes, en
plus de leurs épées et de leurs lances. Il y a aussi quatre-vingt-seize chevaux
et vingt canons.
« C’est une véritable armée qui va vous raccompagner chez vous,
mon ami, dit Motecuzoma d’un air soupçonneux.
— En effet, répondit Cortés qui ne paraissait pas spécialement
enchanté de la nouvelle. Ont-ils autre chose à dire ? » poursuivit-il
en s’adressant à moi.
Le second messager prit alors la parole. C’était un de ces horripilants
conteurs et il débita tout ce qu’il avait entendu depuis la première rencontre
de Patzinca avec les Blancs dans un charabia d’espagnol et de totonaca
pratiquement incompréhensible.
« Capitaine Général, dis-je, en haussant les épaules, je n’ai
saisi que deux noms qu’il a répétés plusieurs fois : le vôtre et un autre
qui ressemble à Narvaez.
— Narvaez ici ! éclata-t-il en poussant un affreux juron.
— Je ferai apporter l’or et les pierreries dès que votre caravane
de porteurs…
— Excusez-moi, interrompit Cortés qui se remettait peu à peu de sa
surprise. Il vaudrait mieux que vous gardiez ce trésor tant que je ne me serai
pas assuré des intentions de ces nouveaux venus.
— Mais ce sont vos compatriotes, objecta Motecuzoma.
— Bien sûr, Don Montezuma, mais vous m’avez dit vous-même qu’il y
avait chez vous des malfaiteurs. Il en est de même chez nous. Vous m’avez
chargé de porter au roi Carlos le présent le plus fabuleux jamais envoyé par un
monarque étranger. Je ne veux pas courir le risque de le laisser tomber entre
les mains de ce que nous appelons des pirates. Avec votre
Weitere Kostenlose Bücher