Azteca
permission, je vais
partir tout de suite pour voir qui sont ces hommes.
— Comme vous voudrez, répartit l’Orateur Vénéré que rien ne
réjouissait tant que la perspective de voir des hommes blancs décidés à
s’entre-tuer.
— Il faut que je me dépêche ; nous ferons des marches
forcées, poursuivit Cortés qui pensait tout haut. Je n’emmènerai que mes
Espagnols et la crème de nos alliés. Les troupes du prince Fleur Noire sont les
meilleures…
— Oui, approuva Motecuzoma, ce sont de très bonnes troupes. »
Mais son sourire s’évanouit quand il entendit le Capitaine Général dire :
« Je laisserai Pedro de Alvarado, celui que votre peuple appelle
Tonatiuh, pour veiller à mes intérêts ici. Il se reprit vivement.
— Je veux dire pour vous aider à défendre la ville au cas où les
pirates seraient plus forts que moi et parviendraient jusqu’ici. Comme je ne
peux pas laisser à Pedro beaucoup de mes hommes, une partie des troupes de mes
alliés indigènes restés sur la terre ferme viendra ici pour prendre leur
place. »
Et c’est ainsi que Cortés partit avec son armée et les Acolhua de Fleur
Noire et qu’Alvarado se trouva à la tête de quatre-vingts Blancs et de quatre
cents Texcalteca installés tous ensemble dans le palais. C’était l’ultime
outrage. Motecuzoma se trouvait placé dans la dégradante position de vivre non
seulement avec des Blancs, mais aussi avec une horde de guerriers hargneux et
mal embouchés qui étaient de véritables envahisseurs. Pendant un bref instant,
l’Orateur Vénéré s’était éclairé à la pensée qu’il allait être débarrassé des
Espagnols, mais il sombra à nouveau dans un désespoir impuissant quand il
devint l’hôte et le captif de ses ennemis les plus abhorrés. Motecuzoma ne
pouvait y trouver qu’une seule compensation, mais je ne crois pas qu’il y ait
puisé un grand réconfort : les Texcalteca étaient beaucoup plus propres et
ils sentaient bien moins mauvais que les Blancs.
« C’est intolérable ! » s’écria le Femme-Serpent. Ces
mots, je les entendais de plus en plus souvent prononcés par les sujets
mécontents de Motecuzoma. Le Conseil s’était réuni secrètement avec des chevaliers,
des nobles, des prêtres et des sages. Mais Motecuzoma n’était pas là et il
n’était au courant de rien.
« Les Mexica n’ont presque jamais franchi les frontières de
Texcala, gronda Cuitlahuac, le chef des armées. Et pas une seule fois, nous ne
sommes arrivés jusqu’à leur capitale. Et voilà que ces Texcalteca détestés sont
ici, dans l’imprenable cité de Tenochtitlán, Cœur du Monde Unique, dans le
palais même du grand guerrier Axayacatl qui doit essayer de revenir de
l’au-delà pour venger cet affront. Les Texcalteca ne nous ont pas envahis par
la force. Ils sont invités, mais pas par nous et ils vivent d’égal à égal avec
notre Orateur Vénéré.
— Orateur Vénéré de nom seulement, grommela le chef des prêtres de
Huitzilopochtli. Je puis vous assurer que le dieu de la guerre le désavoue.
— Il est grand temps que tout le monde le désavoue, dit le
Seigneur Cuauhtemoc, le fils d’Ahuizotl. Si nous n’agissons pas tout de suite,
nous n’en aurons peut-être plus jamais la possibilité. Cet Alvarado flamboie
comme Tonatiuh, mais il est bien moins brillant comme suppléant de Cortés. Il
faut faire quelque chose avant que l’homme à la poigne de fer ne revienne.
— Vous êtes donc sûrs qu’il reviendra ? demandai-je, car je
n’avais assisté à aucun Conseil, officiel ou secret, depuis le départ du
Capitaine Général, dix jours auparavant et je n’étais pas au courant des
dernières nouvelles.
— Nos espions nous ont appris des choses bien étranges, me
répondit Cuauhtemoc. Cortés n’a pas accueilli ses frères à bras ouverts. Il
s’est attaqué à eux, la nuit, par surprise et bien qu’ils fussent à un contre
trois, ses hommes ont gagné. Il y eut très peu de victimes de part et d’autre
car Cortés avait donné l’ordre de tuer le moins possible et de faire des
prisonniers, comme à la Guerre fleurie. Depuis, il est en pourparlers avec le
chef des autres Blancs. Nous ne pouvons pas savoir ce qu’ils se disent, mais
nous supposons que Cortés voudrait que l’autre se rallie à lui pour l’amener
ici. »
Vous comprenez bien, mes révérends, pourquoi ces rapides retournements
de situation nous rendaient perplexes. Nous avions cru que les navires
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