Azteca
petit m’apporta des bâtons de craie et des feuilles de papier
d’écorce – elles étaient de qualité inférieure, sans couche de chaux et je m’en
servais pour mes brouillons d’écriture. Je fis signe à l’enfant de se retirer
dans un coin de la pièce.
« Vous savez que je vois mal, Madame, me permettez-vous de
m’asseoir à côté de vous ? »
Je rapprochai mon siège. Poupée de Jade garda la pose, ses beaux yeux
fixés sur moi, pendant que j’exécutais le croquis. Quand j’eus terminé, je lui
tendis le dessin. Elle n’y jeta pas un seul coup d’œil et le passa par-dessus
son épaule à sa servante.
« Pitza, est-ce bien moi ?
— Oui, Madame. Il ne manque pas une fossette, et ce sont bien vos
yeux. On ne pourrait s’y tromper. »
Alors seulement, la jeune reine condescendit à le regarder, elle
approuva et me sourit délicieusement. « Ah oui, c’est très bien. Je me
trouve très belle. Merci Qualcuie. Sais-tu également dessiner les corps ?
— Oui, bien sûr. Les articulations des membres, les plis des
vêtements, les emblèmes et les insignes distinctifs.
— Ce n’est pas ça qui m’intéresse. Je te parle des corps. Allons,
dessine le mien. »
La servante réprima un cri et Cozcatl en resta la bouche ouverte.
Poupée de Jade s’était levée et sans aucune timidité, ni aucune hésitation,
elle enlevait ses bijoux, ses sandales, son corsage, sa jupe et finalement son
dernier vêtement. Pitza s’enfuit et alla cacher sa figure empourprée dans les
plis d’un rideau – Cozcatl semblait paralysé – tandis que sa maîtresse allait
s’allonger sur la banquette.
Dans mon trouble, je fis tomber une partie de mon matériel par terre,
mais je parvins à dire, d’une voix sévère : « Madame, c’est tout à
fait inconvenant.
— Ayya , voilà bien la pruderie du peuple, dit-elle en riant
de moi. Apprends, Rapporte ! qu’une noble se moque bien d’être nue, de
prendre un bain ou d’accomplir certains besoins devant des esclaves. Qu’ils
soient mâles ou femelles, animaux de compagnie ou oiseaux, ou même encore
mouches. Peu nous importe qu’ils nous voient.
— Je ne suis pas un esclave, lui répondis-je d’un ton sec.
Accepter de vous voir dévêtue serait de ma part une liberté criminelle, une
offense capitale et ces esclaves peuvent parler.
— Pas les miens. Ils craignent plus ma colère que toutes les lois
et tous les seigneurs. Pitza, viens ici. Montre ton dos à
Rapporte ! »
La servante s’approcha en pleurnichant, fit glisser son corsage pour me
faire voir de profondes zébrures provoquées par le fouet. Je regardai Cozcatl
pour m’assurer que lui aussi voyait et comprenait.
« Et maintenant, me dit Poupée de Jade avec son sourire sirupeux,
approche-toi aussi près que tu voudras et dessine-moi tout entière. »
Je m’exécutai, mais ma main tremblait tant que je devais souvent
effacer et recommencer. Ce tremblement n’était pas dû uniquement à la
contrariété. Je crois que la vision de Poupée de Jade complètement nue aurait
fait trembler tous les hommes. Elle aurait dû s’appeler Poupée d’Or, car
c’était la couleur de son corps et chaque courbe, chaque creux était rendu avec
une perfection digne d’un fabricant de poupées Tolteca. J’ajouterai que ses
mamelons et leurs aréoles étaient larges et sombres.
Je la dessinai dans la pose qu’elle avait prise : entièrement
allongée sur la banquette capitonnée, à part une de ses jambes qui retombait
sur le sol et les bras rejetés derrière la tête pour mettre sa poitrine en
valeur. Bien que je ne pusse m’empêcher de regarder – je devrais dire, fixer
dans ma mémoire – certaines parties de son corps, un sens pudibond des
convenances me les fit estomper dans mon dessin. Poupée de Jade s’en plaignit
quand je lui montrai l’œuvre achevée.
« C’est tout barbouillé entre mes jambes ! Tu es trop
délicat, Qualcuie ou alors, tu es complètement ignorant de l’anatomie féminine.
Il me semble que la plus sacro-sainte partie de mon corps mérite d’être
représentée dans tous ses détails. »
Elle se leva et vint se planter devant moi, jambes écartées.
« Vois comme ces tendres lèvres roses viennent se rejoindre par-devant
pour envelopper ce petit xacapili qui ressemble à une perle et qui – ooh !
– réagit à la moindre pression. »
Je transpirais abondamment, Pitza avait pratiquement disparu dans les
tentures et Cozcatl était
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