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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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cette riposte, M. Willet, fixant ses
yeux sur le chaudron, tomba dans une sorte d'extase tabachique.
    L'entrain de la société se trouvant
singulièrement amorti par la conduite embarrassante de leur hôte,
on ne dit rien de plus pendant longtemps ; mais enfin
M. Cobb prit sur lui de remarquer, en se levant pour vider les
cendres de sa pipe, qu'il espérait que Joe dorénavant apprendrait à
obéir à son père en toutes choses, ayant vu ce jour-là que
M. Willet n'était pas un homme avec lequel on pût
badiner ; et il ajouta qu'il lui recommandait, poétiquement
parlant, de ne pas s'endormir sur le rôti.
    « Et vous, je vous recommande en
revanche, dit, en levant les yeux, Joe dont la figure était toute
rouge, de ne pas m'adresser la parole.
    – Taisez-vous, monsieur, cria
M. Willet, en se réveillant soudain, et se retournant.
    – Je ne me tairai pas, père, cria Joe, en
frappant du poing la table, et si fort que les verres et les pots
dansèrent ; c'est bien assez dur de souffrir de vous pareilles
choses ; je ne les endurerai plus de tout autre, quel qu'il
soit. Ainsi je le répète, monsieur Cobb, ne m'adressez pas la
parole.
    – Eh mais, qui êtes-vous donc, dit
M. Cobb d'un air narquois, pour qu'on ne puisse vous parler,
hein, Joe ?
    À cela Joe ne répondit pas ; mais, avec
un sombre hochement de tête qui n'était pas du tout de bon augure,
il reprit sa position antérieure. Il l'aurait conservée
paisiblement jusqu'à la fermeture de l'auberge au bout de la
soirée ; mais M. Cobb, stimulé par l'étonnement que
causait à la société la présomption du jeune homme, riposta en lui
décochant quelques brocards ; c'était trop : la chair et
le sang ne purent supporter cela. En un seul moment s'accumulèrent
la vexation et le courroux de bien des années. Joe bondit, renversa
la table, tomba sur son ennemi invétéré, le gourma de toute sa
force et de toute son adresse, et finit par le lancer avec une
rapidité surprenante contre un monceau de crachoirs dans un coin.
M. Cobb y plongeant, la tête la première, avec un fracas
terrible, resta étendu de tout son long parmi les ruines, abasourdi
et sans mouvement. Alors le vainqueur, n'attendant pas que les
spectateurs le complimentassent sur son triomphe, se retira dans sa
chambre à coucher, et, se considérant comme en état de siège, il
entassa contre la porte tous les meubles transportables, en guise
de barricade.
    « Voilà qui est fait, dit Joe, en
s'asseyant sur son bois de lit et essuyant sa figure échauffée. Je
savais que j'en viendrais là. Le Maypole et moi, il faut que nous
nous séparions. Je suis un vagabond, un coureur, elle me liait pour
toujours. Tout est perdu ! »

Chapitre 31
     
    Réfléchissant sur sa malheureuse destinée, Joe
resta assis et écouta longtemps ; il s'attendait à chaque
instant à entendre l’escalier crier sous leurs pas ou à être salué
des sommations de son digne père, exigeant qu'il capitulât sans
condition et se rendît tout de suite. Mais ni voix ni pas ne vint
jusqu'à lui, et, quoique des échos de portes qu'on fermait, de gens
qui allaient et venaient dans les chambres avec précipitation,
résonnant de temps en temps à travers les grands corridors et
pénétrant au fond de sa solitude reculée, lui fissent comprendre
qu'il y avait en bas un bouleversement extraordinaire, aucun son
plus rapproché ne troubla le lieu de sa retraite, qui semblait
encore plus paisible à cause de ces bruits lointains, et qui était
triste et sombre comme la cellule d'un ermite.
    Il fit de plus en plus noir. Le gothique
ameublement de cette chambre, espèce d'hôpital des invalides pour
les meubles de la maison, devint indistinct et fantastique. Les
chaises et les tables, qui étaient dans le jour d'aussi honnêtes
estropiées que possible, prirent un caractère équivoque et
mystérieux, et un vieux lépreux de paravent en cuir terni de
l'Inde, avec bordure d'or, qui jadis avait tenu en respect plus
d'un courant d'air dangereux et servi de rempart à plus d'une
joyeuse figure, le regardait d'un air rébarbatif et spectral, et se
tenait de toute sa hauteur dans les coins qu'on lui avait assigné,
semblable à quelque maigre fantôme qui attendait qu'on lui adressât
des questions. Un portrait en face de la fenêtre, portrait bizarre
d'un vieux général aux yeux gris, dans un cadre ovale, semblait
cligner de l'œil et s'assoupir à mesure que le jour baissait ;
et enfin, quand la dernière des

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