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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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Sa
Seigneurie en levant la tête.
    – Ah !… et ici le secrétaire joignit
ses mains… Une veille bénie en vérité ! Les protestants de
Suffolk sont des hommes pieux et fidèles. Quoique beaucoup de nos
compatriotes, milord, se soient égarés dans les ténèbres,
exactement comme nous cette nuit sur la route, ces braves gens-là
n'ont pas quitté le chemin de lumière et de gloire.
    – Les ai-je émus, Gashford ? dit
lord Georges.
    – Si vous les avez émus, milord ! si
vous les avez émus ! Ils criaient qu'on les menât contre les
papistes ; ils appelaient une terrible vengeance sur leurs
têtes ; ils rugissaient comme des possédés.
    – Des possédés ! non pas des
possédés du démon, toujours, dit le maître.
    – Du démon ! non pas, milord ;
dites plutôt des anges.
    – Oui ; oh ! sûrement ;
des anges, sans aucun doute, dit lord Georges en mettant ses mains
dans ses poches, les retirant pour ronger ses ongles, et regardant
le feu d'un air embarrassé ; ce ne peuvent être que des anges
qui les possèdent, n'est-ce pas, Gashford ?
    – Vous n'en doutez pas, milord ? dit
le secrétaire.
    – Non, non, répliqua le maître ;
non. Pourquoi en douterais-je ? Je suppose qu'il serait
positivement irréligieux d'en douter… n'est-ce pas, Gashford ?
Bien que parmi eux il y eût certainement, ajouta-t-il sans attendre
une réponse, quelques personnages d'une physionomie diabolique.
    – Quand vous avez fait avec chaleur, dit
le secrétaire, en jetant un regard perçant sur l'autre, dont les
yeux baissés reprirent peu à peu leur éclat tandis que Gashford
parlait ; quand vous avez fait avec chaleur cette noble
sortie ; quand vous leur avez déclaré que vous n'étiez pas de
la tribu des tièdes ou des timides, et que vous les avez invités à
considérer qu'ils se préparaient à suivre quelqu'un qui les
conduirait en avant, fût-ce jusqu'à la mort même ; quand vous
avez parlé de cent vingt mille hommes sur la frontière d'Écosse qui
se feraient justice un beau jour, si on ne la leur faisait
pas ; lorsque vous avez crié : « Périssent le pape
et tous ses vils adhérents ; les lois pénales portées contre
eux ne seront jamais abrogées tant que les Anglais auront des cœurs
et des mains… » et que vous avez agité la vôtre, avant de la
mettre sur la garde de votre épée ; et lorsqu'ils se sont
écriés à leur tour : « Pas de papisme ! » et
que vous leur avez répondu : « Non ! quand même nous
serions obligés de marcher dans le sang ! » et qu'ils ont
levé leurs chapeaux en l'air, en criant : « Hourra !
non, quand même nous marcherions dans le sang ! Pas de
papisme, lord Georges ! À bas les papistes ! vengeance
sur leurs têtes ! » Pendant que tout cela se faisait et
se disait, et qu'un mot de vous, milord, excitait ou apaisait le
tumulte, ah ! je sentais alors tout ce qu'il y avait là de
grandeur, et je me disais en moi-même : « Y eut-il jamais
puissance comparable à celle de lord Georges
Gordon ? »
    – C'est une grande puissance, vous avez
raison ; c'est une grande puissance ! cria-t-il, les yeux
étincelants. Mais, cher Gashford, ai-je réellement dit tout
cela ?
    – Et beaucoup plus encore ! cria le
secrétaire, les yeux levés au ciel. Ah ! beaucoup plus
encore.
    – Et je leur ai parlé, à ce que vous
disiez tout à l'heure, de cent quarante mille hommes en Écosse,
n'est-ce pas ? demanda-t-il avec un plaisir évident. C'était
un peu hardi.
    – Notre cause n'est que hardiesse. La
vérité est toujours hardie.
    – Certainement, de même que la religion.
Elle est hardie aussi, Gashford !
    – La vraie religion l'est, milord.
    – Et c'est la nôtre, répondit-il en se
remuant avec inquiétude sur son siège, et rongeant ses ongles,
comme s'il voulait les couper jusqu'au vif. Il n'y a pas de doute
que la nôtre ne soit la vraie. Vous êtes aussi certain de cela que
je le suis, Gashford, n'est-ce pas ?
    – Milord peut-il me le demander, dit
Gashford de son ton câlin, en approchant sa chaise d'un air
offensé, et posant sa large main à plat sur la table, à moi,
répéta-t-il en dirigeant sur lui les sombres cavités de ses yeux
avec un sourire malsain, à moi qui, frappé en Écosse, il y a un an,
par votre magique éloquence, abjurai les erreurs de l'Église
romaine, et m'attachai à Votre Seigneurie comme à un libérateur
dont la main m'avait retiré du bord du précipice ?
    – C'est vrai.

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