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Bataillon de marche

Bataillon de marche

Titel: Bataillon de marche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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l’attelage, il ne le conduisait pas très bien mais aucun de nous n’aurait pu mieux faire.
    Ce pays, ce pays hostile à tout étranger nous détruit. Nous nous battons entre nous, nous nous mordons, nous grognons. Ce matin, Petit-Frère et Heide se sont battus pendant vingt minutes en silence. Heide eut le nez en bouillie. Alte dut mettre fin au combat en les menaçant de son revolver ; il n’aurait naturellement pas tiré, et tout le monde le savait, mais il y a plus d’autorité dans le langage tranquille du Vieux que dans tous les cris des sous-offs et des généraux réunis. Le pugilat cessa donc, mais ils continuèrent à se menacer de mort. Personne de nous ne comprend rien à cette haine féroce.
    Le chien qui boitait fut tué. Petit-Frère s’en chargea ; il lui trancha la gorge en souriant comme un dément, et comme nous lui reprochions ce sourire, il s’écria furieux :
    – Je m’imaginais que c’était Julius, le mangeur de Juifs, dont je coupais le cou !
    Le chien poussa un long hurlement. Petit-Frère se retourna et regarda Heide :
    – Tu crieras comme ça, toi aussi, quand je couperai en deux ta pomme d’Adam !
    Heide cracha de rage rentrée, mais la bataille que nous escomptions n’eut pas lieu.
    Tout à coup, Alte arrêta l’attelage près d’une sorte de talus.
    – Par Mahomet ! murmura le légionnaire. La mer ? Mais c’est impossible.
    Nous regardons la carte, nous vérifions les compas et les boussoles, mais là, devant nous, sans doute possible, il y a la mer. Porta éclata de rire.
    – Quel lot d’aventuriers ! Après avoir été motorisés en traîneau sur la steppe kalmouck, il faut devenir des marins pétant le feu devant la mer ! – Il brandit le haut-de-forme jaune qu’il portait par-dessus la toque de fourrure, et sortit le chat tigré de sa poche. – Staline, vieux chat, as-tu envie d’un hareng ? Y en a des masses dans la maire aux harengs, mais il faudra que tu ailles les chercher car personne n’a emporté d’hameçon.
    Alte déclara qu’il n’y comprenait rien, et qu’on ne s’était pas trompé de direction. Selon lui, la mer était très loin.
    – Alors on est visionnaire, s’esclaffa Porta. Car d’après moi, elle est à trente mètres.
    – C’est sûrement un grand lac…
    – Oui, sergent, dit le légionnaire, mais quel lac ?
    Tout le -monde se pencha sur la carte qui n’indiquait aucun lac.
    – Je n’y comprends rien, répéta Alte en contemplant avec stupeur l’étendue d’eau gelée.
    – C’est un marais, peut-être ? avança le a Professeur » en clignant ses yeux de myope derrière ses grosses lunettes dont un des verres était fendu. C’était arrivé l’autre jour, lors d’une chute. Il soutenait que Heide lui avait donné un croc-en-jambe.
    Heide en avait convenu en riant. La lune qui croissait nous fit discerner comme une autre rive, à deux ou trois kilomètres.
    – Alors c’est un fleuve, dit Steiner, mais lequel ?
    Le légionnaire plaça le compas sur la carte, regarda le ciel avec ferveur, le paysage déchiqueté, et secoua la tête d’un air découragé. Rien à trouver sur la carte.
    – Tous les compas ne doivent pas être faux ; comme nous devons ailler vers l’ouest, il n’y a qu’à traverser la glace.
    – On n’a plus beaucoup de provisions, avertit Alte qui s’appuyait contre le traîneau. Si c’est une mauvaise direction, on peut patauger pendant des jours avant de retrouver les lignes.
    Le premier qui s’aventura sur l’étendue gelée fut Porta. Il se glissa à plat ventre avec précaution, et nous le suivîmes tous, pleins d’anxiété. La glace nous donnait une peur panique. Etre mouillé par ce froid équivalait à un arrêt de mort. Le légionnaire, plus réaliste que nous tous, s’agenouilla et se mit en devoir de scier la croûte glacée avec son couteau sibérien. Il en mesura l’épaisseur avec un sourire satisfait. Une glace épaisse qui pouvait nous porter tous. Cette découverte nous mit en liesse et fit de nous de véritables gamins. Porta et Petit-Frère se lancèrent dans des glissades, tombèrent et filèrent à plat ventre comme des écoliers sur une patinoire.
    – Vous me rendez dingo ! dit Alte au milieu des éclats de rire. Avez-vous oublié que nous sommes à 1 500 kilomètres derrière les lignes russes ?
    – Merde ! cria Petit-Frère. Si Ivan vient, on l’invite à jouer aussi.
    Un craquement sourd arrêta d’un seul coup le bruit que nous

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