Bataillon de marche
m’intéresse. Une fois là-bas, Adolf je l’emmerde.
– Il n’y a pas de train qui parte d’ici, dit doucement Paul. Nous ne partirons jamais d’ici, il faut disparaître parmi la population.
– Les Turcs ! murmurait Porta. Ça peut aller loin. – Il sauta du poêle. – Comment ça se passe dans ce pays de Turquie ? C’est un peuple bien, où chaque type a son propre bordel avec un personnel d’au moins trois putains, n’est-ce pas, Vieux ?
– Tu penses peut-être au harem, dit Alte en riant.
– Harem si tu veux. Pour moi, c’est bordel, si un type a plus de trois poules. Mais de plus, ils ne sont en guerre avec personne, et si on pouvait se glisser à travers la frontière, à nous la vie pépère !
Avec un bout de bois, Barcelona dessinait sur le sol d’argile une manière de carte pour expliquer à Petit-Frère où se trouvait la Turquie.
– Je pige ! s’écria tout joyeux le géant qui piétinait la carte du monde. La Turquie, c’est sur la frontière de Chine. Bon Dieu ! Où ça mène, une guerre comme ça !
– Ça ne devrait pourtant pas être si difficile pour des héros de notre genre de passer cette frontière, rêvait toujours Porta.
Paul haussa les épaules :
– Impossible. Fjodor dit que beaucoup ont essayé, il les a vus tous revenir comme cadavres.
Mais personne ne l’écoute. L’idée d’un pays neutre si proche de nous nous galvanise.
– La Turquie, murmure Alte, c’est à combien ?
– Environ 50 kilomètres, mais seulement jusqu’à la zone interdite. Après, il y a 25 kilomètres pleins de mines et de miradors, avec au moins cinq divisions de N. K. V. D.
– La Turquie ! – Barcelona est tout guilleret. – De là, on peut passer à Ismir et puis à Valence. Mon vallon d’orangers se rapproche. Dire que dans quatre semaines je serai peut-être en train d’assister à la corrida !
Et il se perd dans sa rêverie. Quant au petit légionnaire, il joue avec son couteau maure. On peut voir que l’idée le passionne.
– Mon Dieu ! J’ai un copain à Ankara : le ci-devant sergent-chef au 2 e Etranger. De là, je peux rejoindre la Syrie et me présenter à mon général à Beyrouth.
– Tu ne vas tout de même pas redevenir soldat !
Porta en reste la bouche ouverte.
– C’est mon devoir. La France se bat. Si la France meurt, je meurs aussi, tu comprends, camarade ?
Non, personne ne comprend, mais personne n’ose dire que le petit légionnaire est sans doute devenu fou. Le couteau dont il joue nous rend muets.
– La Turquie ! rêve le « Professeur ». Là, je pourrais trouver un bateau suédois, gagner la Suède, et alors la Norvège n’est pas loin. Je me glisserai par-dessus la frontière et j’irai me battre pour la Norvège.
Tout le monde s’esclaffa.
– C’est la meilleure, dit Barcelona. Se battre pour la Norvège ? Mais c’est ce que tu es en train de faire. – M lui jeta son revolver. – En route, héros SS. !
Heide se mit à chantonner le chant des légionnaires que nous reprîmes avec ironie au nez du volontaire myope.
Nous battre pour l’honneur et la liberté ! Nous accourons, volontaires norvégiens, La croix gammée est notre fierté, SS, vous n’êtes pas seuls au combat !
Le malheureux Nordique se courba sous le mépris.
– Ils te pendront ! cria Porta, tes compatriotes norvégiens. Par le diable, tu te balanceras au beau milieu de la Cari Johann !
– Oui, appuya Barcelona, pendu, ou comme espion ou comme traître. Reste en Turquie, ou bien viens avec moi faire pousser des oranges. Quand tu seras riche, tu rentreras chez toi. On pardonne toujours aux gens riches, ça s’appelle la justice.
– Moi 1 reprit la voix éclatante de Porta, mon rêve de toujours c’est d’avoir un bordel en coopérative à Istanbul. J’ai vu dans un journal pour dames qu’il n’y a pas de police des mœurs dans ce pays-là.
Il s’installa sur la table, retira ses chaussettes et agita ses doigts de pieds sous le nez de Barcelona indigné. Allumant une machorka, il désigna Petit-Frère qui le regardait, les yeux ronds.
– Toi, tu iras au débarcadère distribuer des prospectus dans toutes les langues avec des images cochonnes. Mon bordel sera une villa toute blanche en haut du port. Rien chouette, les gars !
Il se perdit dans un paradis de rêve.
– Et moi ? demanda Heide. Qu’est-ce que je fais dans ta piaule ?
Porta repoussa le chapeau jaune sur sa nuque et suça la dent
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