Ben-Hur
sandales étaient des plus simples, il n’avait pas de ceinture et ne tenait point de bâton à la main.
Balthasar, Iras et Ben-Hur ne s’arrêtèrent pas à considérer ces détails accessoires, mais son visage et le charme irrésistible de son expression les frappa singulièrement, ainsi que tous ceux qui les entouraient.
La lumière tombait en plein sur sa tête, couverte seulement de sa longue chevelure légèrement ondulée, partagée par le milieu et dont la chaude nuance brun doré prenait aux rayons du soleil des teintes rougeâtres. Il avait un front large et bas, des sourcils noirs et bien arqués, sous lesquels brillaient de grands yeux bleu foncé, dont le regard profond et tendre était encore adouci par des cils, longs comme le sont parfois ceux des enfants, mais bien rarement ceux des adultes. La finesse de ses narines et de sa bouche donnait à son pâle visage une ressemblance avec le type grec, mais sa longue barbe soyeuse qui tombait sur sa poitrine était bien celle d’un Juif. Un soldat aurait ri à l’idée de se mesurer avec lui, mais aucune femme n’aurait hésité à lui accorder sa confiance, et pas un enfant ne l’aurait rencontré sans mettre immédiatement sa petite main dans la sienne.
Son expression annonçait tout à la fois l’amour, la pitié, la souffrance d’une âme sainte condamnée à voir et à comprendre l’état de péché dans lequel étaient plongés ceux à côté desquels il passait. Il s’avançait toujours lentement vers les trois amis. Ben-Hur, monté sur son cheval fringant et la lance à la main, aurait certainement attiré en premier lieu les regards d’un roi ; cependant les yeux de cet homme ne se fixèrent pas sur lui, ni sur Iras, mais sur Balthasar, le vieillard incapable d’être utile à qui que ce fût.
Quand il se trouva tout près du Nazaréen, celui-ci, la main toujours étendue, s’écria à haute voix :
– Voici l’Agneau de Dieu, qui ôte les péchés du monde.
La plupart de ceux qui entendirent ces paroles demeurèrent frappés de stupeur, car elles dépassaient leur entendement, mais elles produisirent sur Balthasar l’effet d’un éblouissement. Il revoyait, une fois encore, le Rédempteur des hommes ! À la lumière de la foi qui lui avait acquis jadis un si grand privilège et que les années n’avaient pas ébranlée, il comprenait que celui qu’il voyait devant lui n’était autre que l’être idéal, dont il attendait depuis si longtemps la manifestation, et comme s’il avait voulu affermir la conviction du vieillard, le Nazaréen répéta :
– Voici l’Agneau de Dieu, qui ôte les péchés du monde.
Balthasar tomba à genoux ; pour lui, il n’avait pas besoin d’en entendre davantage, mais le Nazaréen continua en s’adressant à ceux qui l’entouraient plus immédiatement :
– C’est celui dont je disais : Il vient après moi un homme qui m’est préféré, car il est plus grand que moi. Et pour moi je ne le connaissais pas, mais je suis venu pour baptiser d’eau, afin qu’il soit manifesté à Israël. J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe, et il s’est arrêté sur lui. Pour moi, je ne le connaissais pas ; mais celui qui m’a envoyé baptiser d’eau m’avait dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et s’arrêter, c’est celui qui baptise du Saint-Esprit. Et je l’ai vu, et j’ai rendu témoignage.
Il s’arrêta, puis, comme pour donner plus de solennité à sa parole, il tendit de nouveau la main vers l’étranger, debout à quelques pas de lui dans ses vêtements blancs et s’écria :
– J’ai rendu témoignage que c’est lui qui est le Fils de Dieu !
– Oui, c’est lui ! c’est lui ! s’écria Balthasar en levant vers le ciel ses yeux pleins de larmes. L’instant d’après il tombait évanoui.
Ben-Hur, pendant tout ce temps, n’avait cessé de considérer le visage de l’étranger avec des sentiments tout différents de ceux qui agitaient le vieil Égyptien. Il n’était point insensible à la pureté de ses traits, à son expression pensive et tendre, à son air d’humilité et de sainteté ; mais, trop préoccupé par une pensée unique pour pouvoir songer à autre chose, il ne cessait de se demander : Qui est cet homme ? Sera-t-il roi ou Messie ? Jamais apparition ne lui avait apparu moins royale ; bien plus, il lui semblait que ce serait commettre une profanation que de songer
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