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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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que j’ai fait examiner la comptabilité de votre film sur les Jeux.
    Goebbels sortit d’un tiroir un rapport d’une quinzaine de pages qu’il brandit d’un geste menaçant.
    — Je suis au courant de ce rapport et je le trouve scandaleux ! rétorqua-t-elle. Me faire subir un audit en plein tournage… Vous auriez quand même pu attendre la fin des Jeux !
    — Mieux vaut prévenir que guérir. Vous n’avez aucun talent pour bien gérer les deniers publics. C’est un Sauwirtschaft , un désordre digne d’une porcherie ! Vous avez acheté des automobiles et des bateaux à vapeur sans justifier l’utilité de ces achats, vous dépensez trop d’argent à filmer les Américains et les Noirs. Et je ne comprends pas comment vous avez pu prélever deux cents reichsmarks sur le budget du film pour convaincre les parents de ce jeune Grec d’origine russe d’envoyer leur fils à Berlin.
    — Le jeune homme a servi de modèle pour le prologue des Jeux. C’est lui qui brandit la flamme olympique…
    — Pourquoi lui ? répliqua Goebbels d’un ton ironique. Vous n’avez pas trouvé d’éphèbe parmi les jeunes Aryens des Jeunesses hitlériennes ?
    — Ne soyez pas insolent, Herr Doktor . Ce gamin était important pour l’esthétique du film.
    — Savez-vous que ses parents le réclament, qu’ils crient au kidnapping ?
    — Allons donc ! fit-elle en haussant les épaules. Anatol n’est plus un enfant ; il ambitionne même de devenir acteur…
    Goebbels bâilla bruyamment.
    — Toutes ces affaires sont regrettables, Fräulein Riefenstahl. Je vais vous imposer un audit mensuel jusqu’à la sortie du film.
    Profondément blessée par les insinuations du ministre, Leni le considéra un moment d’un regard méprisant.
    — Je ne me laisserai pas faire, riposta-t-elle. Je tiens à mon indépendance… Et puisqu’on parle d’argent, sachez que j’aurai besoin d’un demi-million supplémentaire !
    — Ma parole, vous êtes complètement folle ! Vous n’avez aucun sens de l’argent !
    — S’il le faut, j’en appellerai directement au Führer !
    Goebbels perdit patience.
    — Ne me menacez pas ! s’écria-t-il, furibond. J’exige d’abord que vous fassiez des excuses à l’arbitre pour qu’il retire sa plainte. Autrement, je me verrai dans l’obligation de vous renvoyer du stade.
    — Faites ce que vous voulez, mais il n’est pas question que je lui présente des excuses !
    Le ministre se mit debout et, s’approchant de la cinéaste, lui caressa la joue du revers de la main.
    — Ne me désobéissez pas, Fräulein Riefenstahl. Vous avez encore besoin de moi pour financer votre chef-d’oeuvre.
    A bout de nerfs, Leni éclata en sanglots, se leva et partit en claquant la porte. Resté seul, Goebbels sortit son journal de sa serviette, prit sa plume et griffonna deux lignes :
     
    J’ai passé un savon à Riefenstahl pour son comportement inqualifiable. Cette femme est une hystérique.
     
    Un sourire sadique lui étira les lèvres.

11
    Où l’on assiste à une injustice
    — J’ai une nouvelle importante à vous annoncer, commença Lawson Robertson.
    Assis sur un lit entre Mack Robinson et Ralph Metcalfe dans un bungalow du village olympique, Jesse Owens écoutait le head coach d’une oreille distraite. Il avait rempli son contrat et ne se sentait pas concerné par la course de relais qui devait se jouer dans l’après-midi, bien qu’il se fût entraîné avec les quatre spécialistes de la discipline, Foy Draper, Frank Wykoff, Marty Glickman et Sam Stoller.
    Robertson continua d’un air gêné :
    — Suivant les instructions d’Avery Brundage, Jesse et Ralph remplaceront Marty et Sam dans la course de relais.
    Un lourd silence accueillit cette nouvelle. Les athlètes se regardèrent, interloqués. Pourquoi cette décision brutale ? L’avait-on prise parce que Glickman et Stoller étaient juifs ?
    Jesse Owens fut le premier à réagir :
    — J’ai déjà gagné trois médailles d’or et je suis fatigué. Laissez Marty et Sam courir, ils le méritent amplement et…
    Robertson l’interrompit.
    — Il ne sert à rien de discuter, répliqua-t-il, haussant le ton. Notre décision est irrévocable. You’ll do as you’re told ! Vous ferez ce que nous vous demandons de faire, un point c’est tout !
    — Mais…
    — Il n’y a pas de mais, Jesse. Ton statut de médaillé olympique ne t’autorise pas à remettre en question nos décisions.
    — Ce n’est

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