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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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Babbanji à l’autre bout du fil. Mon papa est venu !
    — Où est-il ?
    — Ici, avec moi. Je rentre au Bihar par le train de onze heures. Un travail important m’attend. Un travail très, très important. »
    À neuf heures et demie nous nous retrouvons au café Mondegar, non loin du coin de trottoir où Babbanji passe ses nuits. Grand ouvert aux courants qui traversent Colaba, le café Mondegar incite à la gaieté. La bière très fraîche arrive dans des pichets aux formes inventives, telle cette imitation de bocal à poissons. Les tables sont serrées et une sorte de bonhomie pompette lie la jeunesse locale, les routards, les couples qui se sont donné rendez-vous ici. Dommage que le serveur se montre si obséquieux envers les deux Biharis qui ne savent pas quoi choisir. Il s’obstine à leur parler anglais. Je finis par commander à leur place deux breakfasts.
    Le père de Babbanji n’a pas pu se raser pendant le long voyage de trois jours en train. Il a un beau sourire et son crâne dégarni, ses lunettes lui donnent tout à fait l’allure de ces profs de fac quadragénaires vieillis avant l’heure. Aujourd’hui, il parle, il parle, il parle, et c’est un plaisir de l’entendre parler en hindi car il a de jolies tournures de phrase. Babbanji a dû au moins hériter de lui sa flamme poétique.
    Il est arrivé à cinq heures et demie ce matin à Victoria Terminus, avec son beau-père, et il a parcouru à pied le trajet de la gare à Churchgate en s’arrêtant en chemin devant chaque étal de libraire. Près de l’un d’eux, quelques personnes dormaient par terre sur le trottoir ; en se retournant, un dormeur a soulevé un instant le drap rabattu sur sa tête et le professeur a poussé un cri : « Fils ! » Babbanji avait sur lui la même chemise que lorsqu’il l’avait vu la dernière fois. « Père et fils se sont étreints en pleurant », dit le professeur. Babbanji a toujours été un enfant très délicat ; sa naissance fut particulièrement difficile, raconte le père avec une émotion palpable. « Il ne pouvait pas boire le lait de sa mère : sa mâchoire ne tenait pas fermée. Je m’en occupe depuis qu’il a quatre ans. Il ne m’a jamais demandé quoi que ce soit. »
    Babbanji écoute, les yeux embués. Son père lui prend la main et la soulève, s’afflige de la trouver si décharnée. « Comment a-t-il traité ce corps que ses parents se sont évertués à amener jusqu’à ce stade ! De la maison il n’a rien emporté, pas même un pull, pas un sou. » Ses parents ont remarqué qu’il avait pris un simple drap de khadi, pas une couverture en laine. « Ma maison était en verre et elle a volé en éclats. Ce garçon était le soutien de son père, il a très mal agi. » Et tout de suite il essaie de m’expliquer la conduite de son fils, comme pour s’excuser et me persuader que ce n’est pas la faute de Babbanji. « La vraie raison est qu’il a acquis trop tôt plus de savoir que nécessaire. Il aurait dû s’ouvrir à son père de ses problèmes, mais il n’a pas voulu inquiéter son père. C’est à cause de moi que les étudiants l’ont battu. »
    Après la disparition de Babbanji, sa mère s’est mise à rêver de lui. Dans l’un de ses rêves, il était à genoux sur une route, la tête entre les mains ; il avait de la fièvre, un homme assez gentil lui portait secours. Par la suite, chaque fois qu’elle rencontrait un garçon qui avait la migraine elle croyait voir son fils. Les parents ne savaient pas à qui s’adresser pour retrouver la trace de Babbanji. Alors ils ont fait ce qui se fait dans les moments de crise, quand le savoir ne suffit plus : ils sont allés chez un astrologue. L’astrologue consulta les astres et leur dit que leur fils vivait à Varanasi, chez un homme dont le prénom commençait par la syllabe Ra. Par la suite il précisa que Babbanji habitait une maison peinte en jaune et blanc.
    Le père a donc entamé ses pérégrinations dans la ville sainte et les cités du nord de l’Inde à la recherche de son fils disparu. À Varanasi, il frappait à toutes les portes, cherchait des murs jaune et blanc, interpellait des étudiants pour leur demander s’ils connaissaient un garçon prénommé Babbanji. Il est allé à Deoband, à Saharanpur, à Aligarh. Son cœur battait plus vite chaque fois qu’il croisait un groupe de garçons et il les dévisageait un à un dans l’espoir de reconnaître enfin son fils. Personne ne

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