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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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l’or
    Qu’est-ce qui a plus de prix que l’or ?
    La frugalité ! La frugalité !
     
    Encore un qui se lève
    Pour quitter le samsara !
     
    Les Ladhani se recueillent dans le hangar, puis soudain un cordon se forme devant les portes tandis qu’on aligne sur quelques mètres de grandes assiettes en métal pleines de riz, de monnaie, de pierreries et des clés de leurs différents domiciles. Je me tiens tout près du premier récipient. Vêtu de son plus beau costume, Sevantibhaï sort du hangar comme un diable de sa boîte et donne un coup de pied dans l’assiette contenant ce qu’il possède encore. Sa femme et ses enfants agissent de même, l’un après l’autre ; quand vient le tour de Karishma il n’y a quasiment plus rien à renverser. Un peu plus loin, des hommes solidement campés sur leurs jambes barrent le chemin avec les lames entrecroisées de leurs épées, mais les renonciateurs les repoussent pour continuer d’avancer. Au moment où ils quittent la maison de leurs ancêtres, il est essentiel qu’ils ne se retournent pas, fût-ce une seconde, pour contempler ce qu’ils laissent derrière eux.
    Le trajet de la maison à la place où va avoir lieu la diksha est bordé tout du long d’autres assiettes aussi richement garnies et les gosses du village scrutent le sol à la recherche des trésors éparpillés à coups de pied par les Ladhani. Cinq éléphants flanquent l’entrée du mandap {223} . À l’intérieur, sous la tente immense dressée dans l’enclos, des milliers de gens attendent assis par terre, rangés par groupes. Je gagne ma place dans la section réservée aux diamantaires. On distribue au public des sachets de grains de riz mêlés à des perles en l’invitant à jeter ces confettis fabuleux sur les diksharthis. Eux sont sur la scène où déjà la cérémonie des adieux se déroule au vu et au su de tous, comme le rituel du bidaï lors d’un mariage (l’instant où la famille de la mariée lui dit au revoir) ; les diksharthis se séparent de leurs parents par le sang et de leurs associés en affaires. Puis un second testament est lu à voix haute ; plus de deux crores vont aller à des organismes de bienfaisance, dont des refuges pour animaux, un autre sera distribué à des institutions religieuses. L’animateur qui a déjà officié au siège de l’Association des diamantaires nous communique une nouvelle de bon augure : la veille, la Cour suprême a condamné en appel le conseil municipal de Bombay à respecter le verdict d’une juridiction inférieure qui interdisait le massacre des chiens errants ; la pétition présentée en justice par une famille jaïn sauvera ainsi de la mort quelque cinquante mille chiens par an. L’assistance applaudit à tout rompre.
    Le moment est venu. Devant trente-cinq mille personnes, Sevantibhaï demande à son gourou la permission de prendre la voie de la diksha. Les trompettes retentissent pour proclamer le consentement du gourou et le diksharthi se met à danser comme un fou tout autour de la scène en agitant un grand chiffon blanc. Le reste de la famille suit, puis tous sortent pour aller se faire raser le crâne entièrement, à l’exception de sept cheveux que le maharajsaheb arrachera de ses mains. Pendant ce temps nous allons participer aux enchères qui conféreront à certains d’entre nous le privilège d’acheter les effets monastiques que les diksharthis vont bientôt endosser. Le premier article, un vêtement destiné à Sevantibhaï, part pour cent cinquante et un mille roupies. Un rang de perles de prière blanches pour Snehal est adjugé soixante-huit mille roupies. Tout autour de moi, c’est une cacophonie de chiffres ; les commissaires-priseurs qui circulent parmi les spectateurs braillent les offres à pleins poumons, incitent les enchérisseurs à investir dans ce placement spirituel comme s’il s’agissait d’actions cotées en bourse. « C’est une occasion de labh unique ! Elle ne se représentera pas de sitôt. Trente et un mille seulement, bande de veinards ! » Il y a de l’argent sur scène et beaucoup d’argent dans le public, où millionnaires et milliardaires rivalisent pour afficher leur piété.
    Une autre enchère s’ouvre ensuite. Sur scène, on vient de déplier la page des noms : ceux que le gurumaharaj a attribués aux hommes, ceux que la sadhvin supérieure a attribués aux femmes. L’assistance brûle de savoir quelle sera désormais l’identité des diksharthis. On

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