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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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lance d’abord les offres pour le privilège de révéler celle de Sevantibhaï, qu’un profane annoncera publiquement ; les enchères grimpent jusqu’à trois cent soixante et un mille roupies et le gagnant monté sur la scène proclame le nom du moine : « Raj Ratna Vijayji ! » Un tonnerre d’applaudissements fait vibrer l’immense espace. Dans l’ordre, les enchérisseurs acquièrent le droit de prononcer le nom de Snehal, dit Vicky : « Raj Darshan Vijayji ! » ; d’Utkarsh, dit Chiku : « Ratna Bodhi Vijayji ! » ; de Rakshaben : « Divya Ruchita Sreeji ! » Quand vient le tour de Karishma, ses trois tantes paternelles qui ont eu la prérogative de la baptiser à la naissance et lui ont donné un prénom associé dans l’esprit de la plupart des Indiens à une héroïne de cinéma très sexy, surenchérissent audacieusement jusqu’à cent cinquante mille roupies (un lakh et demi) et, surmontant leur tristesse, se placent face au public pour crier ces trois mots : « Darshan Ruchita Sreeji ! »
    Quand les Ladhani réapparaissent sur scène, ils sont métamorphosés. Leurs robes et leurs saris uniformes en soie crème ont disparu au profit de draps blancs uniformes drapés sur le buste et autour des jambes ; ils n’ont quasiment plus de cheveux sur la tête. En sortant, Hasmukh me dira : « J’ai remarqué que Sevanti ne regardait pas Raksha et que Raksha ne regardait pas Sevanti. Les enfants, oui, ils ont regardé, mais le couple semblait ne voir personne. » Sa femme s’est mise à pleurer en réalisant ce qu’avait subi Raksha. « Quand il a fallu qu’elle se fasse raser la tête, Raksha est restée le visage entre les mains et elle n’a pas jeté un seul regard à quiconque pendant que ses cheveux, marque de la beauté féminine en Inde, tombaient par terre. » Hasmukh m’explique également qu’au cours de la cérémonie de la tonte, les membres de la famille ont aspergé les diksharthis d’eau pour une dernière toilette symbolique ; au mois de janvier et au petit matin, l’eau est bien entendue glaciale. Ils l’ont néanmoins versée sur Sevantibhaï qui frissonnait de fièvre, puis sur les quatre autres. Après quoi, Rakshaben et Karishma ont commencé elles aussi à se sentir fiévreuses. « Il fallait qu’ils se lavent à l’eau froide. Je ne comprends pas pourquoi », déclare Hasmukh en secouant la tête comme un enfant devant une coutume ou une règle dont la logique lui échappe. Il a fait ses adieux à son oncle et meilleur ami. « Je lui ai dit : “Quand je reviendrai en Inde, on se reverra” », mais Sevanti est resté muet. « Il avait son bâton à la main, ses biens autour du cou et il n’a pas croisé mon regard, il s’est contenté de hocher la tête. » Les quatre autres non plus n’ont pas répondu à ses au revoir.
    Sevanti et Raksha sont mariés depuis vingt-deux ans. Ils se touchent pour la dernière fois lorsque Raksha pose le tilak sur le visage de Sevanti, répétant le rituel qu’elle a observé pour le toucher la première fois, le jour de son mariage. La petite femme se hisse sur la pointe des pieds et dépose du bout du pouce une pastille de pâte safran entre les sourcils du père de ses enfants ; les époux échangent un sourire, se mettent à rire. La main légère qui vient de l’effleurer pour la dernière fois a rafraîchi le front brûlant.
    Pour finir, les cinq diksharthis s’assoient au bord de la scène pour recevoir les hommages de leur famille élargie. Le maharajsaheb s’adresse à Laxmichand : « Regarde, Laxmichand bhaï, ils étaient tiens et ils restent tiens mais désormais ils sont aussi des nôtres. » Laxmichand ne peut retenir ses larmes en entendant le maharaj lui rappeler, avec beaucoup de délicatesse, que ces cinq personnes ont désormais quitté l’orbite des Ladhani pour entrer dans le vaste monde. Renonçant à la vie qu’elles avaient menée jusqu’alors, elles ont effacé de leur apparence toute trace de Sevantibhaï le diamantaire, de Rakshaben la maîtresse de maison, de Vicky, Chiku et Karishma, les trois jeunes Bombayites choyés. Elles se sont, enfin, dépossédées de tout. Sauf de leurs lunettes. Les deux garçons ont toujours leurs lunettes sur le nez. Ils en auront besoin pour avancer sur le chemin.
    Cette nuit, ils seront hébergés à l’upsara, la maison d’hôtes. Demain matin à quatre heures et demie, ils entameront le premier jour de leur vie de renoncement

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