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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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fonds administré par quatre membres de la famille a été constitué, et il est substantiel ; la somme, qui se compte en crores, sera dépensée selon les instructions de Sevantibhaï. Si sur sa route ils croisent des nécessiteux ou des institutions méritantes, les administrateurs leur enverront de l’argent. « Si les enfants veulent revenir, ils n’auront pas besoin de demander la charité. On pourra tout de suite leur procurer une voiture, une maison. » C’est une sécurité, pour Sevantibhaï : il peut changer d’avis en sachant qu’il a encore un petit quelque chose dans le samsara. Certes, il a distribué une bonne partie de sa fortune, mais ce qui reste est suffisant pour assurer aux cinq ascètes novices un niveau de confort raisonnable à Bombay. Étrange façon de voir les choses : sur un simple coup de fil, le moine errant peut doter un temple ou changer la fortune d’un village entier. L’assurance de retrouver les agréments de la vie s’il tourne casaque rend-elle plus facile ou plus dure l’existence du renonciateur ? Sevantibhaï et les siens auront toujours ce choix. Chaque pas sur le chemin de l’errance affirmera leur libre arbitre. Et quand ils seront fatigués d’avoir marché sous le grand soleil, la voix de la tentation leur soufflera qu’ils pourraient voyager en Rolls-Royce, s’ils voulaient. Il suffirait qu’ils s’avouent vaincus.
     
    Sept mois après la cérémonie de la diksha, je pars voir comment Sevantibhaï mène sa vie de moine. Avec les deux garçons il passe la mousson tout au nord du Gujerat, à Patan où mon grand-père allait à l’école. Le temple jaïn et les institutions attenantes se trouvent dans un quartier calme aux rues bordées de vieilles maisons en bois peint.
    Après avoir quitté Dhanera, Sevantibhaï a sillonné le Gujerat de ville en ville ; son trajet l’a mené de Tharad, à Deesa, puis à Patan, Bhabhar, Ahmadabad, et de nouveau à Patan où il loge dans une maison commune. Sept mois se sont écoulés au calendrier lunaire depuis le jour de la diksha, et je retrouve Sevantibhaï – devenu le maharajsaheb Raj Ratna Vijayji – dans une pièce aux proportions gigantesques. Il est là depuis deux mois et ne s’en ira que dans deux mois. À l’entrée de cette salle qui abrite temporairement les vingt-deux moines de l’ordre, un grand tableau intitulé Regard compatissant sur la vie ici-bas montre un homme qui s’accroche à un arbre au-dessus d’un puits grouillant de serpents et de crocodiles ; des rats rongent la liane à laquelle il se retient tandis qu’un éléphant secoue le tronc de l’arbre.
    Je le vois tout de suite, au fond de la salle immense, et lui aussi m’a vu ; il l’indique en levant sa main vers son crâne pour signifier que mes cheveux ont bien poussé. Lui a dû au contraire subir son premier lochan à l’entrée dans la vie monastique : au cours d’une séance qui a duré plusieurs heures, son supérieur a arraché, un par un ou par touffes, les poils qui lui poussaient sur la tête, sur la figure, autour des lèvres. Il avait le cuir chevelu en sang. « Ce n’est qu’un échantillon des tortures infernales que je mérite pour mes péchés. On arrache les cheveux à la main pour fortifier le corps et t’amener à comprendre les souffrances d’autrui. » Il a enduré cette épreuve en pensant aux supplices infligés aux gourous jaïns du temps jadis. Quand, non contents de leur arracher les cheveux, les ennemis de leur foi les écorchaient vivants, les gourous demandaient à leurs bourreaux : « Dans quelle position voulez-vous que je me mette pour que vous puissiez tranquillement m’écorcher en prenant le moins de peine possible ? » Le courage de ces martyrs a redoublé le sien.
    Le paushadhshala, ou salle de retraite, est une immense pièce tout en longueur éclairée par des ouvertures sur deux côtés. Elle n’appartient pas aux moines. Ils sont hébergés par la communauté, la sangha, qui a construit ce lieu à leur intention. Assis devant les tables basses, ils lisent des manuscrits anciens et prennent des notes dans leurs carnets. Des laïcs passent les voir pour leur demander des conseils sur la manière de conduire leur vie quotidienne ; les plus prometteurs de ces profanes sont incités à s’engager dans la diksha. Ils sont un certain nombre à être venus ici pour avoir un avant-goût de la vie monacale. Ils peuvent choisir d’observer le comportement des sâdhus

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