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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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la pagaille et d’interrompre le vote pendant quelques heures. Cela leur vaudrait plusieurs mois de prison, mais est-ce qu’elle imaginait seulement le nombre de voix que son père allait perdre dans ce seul bureau, tout le temps qu’il resterait fermé ?
    « Il y a eu un silence, se souvient Sunil, et puis elle m’a fait entrer. “À partir de maintenant, j’ai dit à son père, c’est à vous de décider de démolir ou pas.” » Assez confiant dans l’issue de cet entretien, il pense que ses abris resteront debout, désormais.
    Pour prendre toute la mesure de l’influence que Sunil exerce sur le slum, une visite à G.R. Khairnar, dit le Casseur, s’impose. « En vingt ans de carrière, j’ai démoli au total deux cent quatre-vingt-cinq mille structures », déclare posément ce commissaire municipal adjoint qui irrite l’ensemble de la classe politique, Sena compris. Il m’explique le processus de démolition. Bombay est divisé en vingt-trois sections, et dans chacune une équipe est spécialement chargée de surveiller les constructions illégales, « engagées en connivence avec les employés municipaux ou la police ». L’équipe doit en principe laisser aux intéressés un délai de sept jours pour qu’ils produisent le permis de construire. En l’absence de document, elle procède à la démolition, mais, précise Khairnar, « les types travaillent la peur au ventre ». La vénalité entre aussi en ligne de compte : « Une fois l’avis notifié, il est facile de céder tout le dossier aux intéressés contre un lakh ou deux. » Les pots-de-vin qu’il touche sur une affaire permettent à un employé de gagner d’un coup une somme supérieure à l’ensemble des salaires qui lui seront versés au cours de sa carrière de fonctionnaire municipal.
    Khairnar se refuse à démolir les immeubles occupés, fût-ce en partie. Quand il patrouille en ville avec son équipe de casseurs professionnels, les conséquences de son travail lui apparaissent clairement. Les gens très pauvres, pour la plupart, qui vivent dans ces abris illicites n’ont rien à perdre à affronter les démolisseurs. Ils les accueillent avec des jets de pierre, vont parfois jusqu’à mettre le feu à leurs cahutes. Avant toute démolition, Khairnar ordonne d’évacuer les ustensiles de cuisine qui se trouvent à l’intérieur. Ce qu’il me décrit de son travail semble tiré d’un film. « Il faut voir la scène : une femme dans un sari trop petit, dégueulasse. Elle n’a même pas l’eau potable, alors comment imaginer qu’elle pourrait laver son linge ? Les enfants n’ont rien sur eux. J’entre dans la cabane, à l’intérieur il n’y a pratiquement pas d’ustensiles. Les gars de la municipalité déboulent là-dedans comme des furies et ils foutent la bicoque en l’air. »
    Il me parle d’une démolition effectuée dans le grand slum de Dharavi. L’occupante du logement qu’il s’apprêtait à détruire s’est dressée devant lui, a attrapé sa petite fille, un bébé, par une jambe, et s’est mise à la faire tourner au-dessus de sa tête à grands moulinets. Elle aurait lâché l’enfant si on ne l’avait pas retenue.
    Il a beau jeter à bas des zones de peuplement entières, elles ont tôt fait de resurgir au même endroit, avec leurs matériaux de bric et de broc. « On ne peut pas vraiment détruire ces colonies sauvages. Elles réapparaissent forcément. » Il y a de cela quelques années, il avait résolu de nettoyer tout un passage de Mahim des slums qui l’encombraient. Dès qu’il tournait les talons, son ouvrage accompli, les baraques étaient reconstruites dans l’heure. « On y allait deux, trois fois par jour, mais ça ne les décourageait pas. Ils filaient se cacher de l’autre côté des voies ferrées et ils revenaient quand on avait fini. » Chaque cabane démolie par Khairnar coûtait dans les mille roupies à la municipalité. Dans ce seul endroit, il y en avait mille huit cents. Les chiffres aussi étaient contre le Casseur.
    Khairnar est responsable de sa section municipale depuis 1976. En 1985, alors que le Sena contrôlait la mairie, il a été convoqué par Thackeray à Matoshree, la demeure du Saheb. Il s’apprêtait à faire démolir un hôtel édifié sans permis de construire par le gendre du chef de l’exécutif du Maharashtra. À l’en croire, Thackeray lui aurait demandé de s’abstenir, mais il est passé outre et a fait son devoir. Onze

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