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Bonaparte

Bonaparte

Titel: Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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l’étendue de ses connaissances », parlant de mathématiques avec Lagrange et Laplace, de métaphysique avec Sieyès, de poésie avec Marie-Joseph Chénier, de politique avec Gallois, de législation avec Daunou. Durant des années il a dévoré tant de livres !
    Le soir du 30 décembre, Bonaparte eut une surprise « pleine de grâces ». En rentrant chez lui, il vit des ouvriers occupés à changer la plaque portant le nom de la rue Chantereine. Désormais, elle s’appellera rue de la Victoire. Le nid de fille entretenue était d’ailleurs devenu méconnaissable. « Quel changement dans notre petite maison si tranquille autrefois, racontera Hortense. Elle était alors remplie de généraux, d’officiers. Les sentinelles avaient peine à repousser le peuple et les personnes de la société, impatientes et avides de voir le vainqueur de l’Italie. »
    Joséphine avait ordonné des travaux coûteux. La chambre à coucher, située au premier étage, était devenue une tente aux tissus rayés, ornée de sièges-tambours. Les lits « à l’antique » se rapprochaient ou s’éloignaient selon un ingénieux ressort.
    — Tout était de nouveau modèle, fait exprès, dira Bonaparte.
    La frivole créole n’est d’ailleurs pas encore rentrée. Elle a quitté l’Italie après son mari, s’est fait acclamer et haranguer tout le long de la route, traiter de « vertueuse épouse » à chaque étape... et, le 25 décembre, entre Moulins et Nevers, a retrouvé son cher Hippolyte avec qui, depuis, elle muse, retardant le moment de regagner le domicile conjugal. Tout en roucoulant, les deux amants mettent sur pied une affaire de fournitures militaires – la compagnie Bodin – qui va permettre à Joséphine de se livrer à des dépenses, absolument indispensables à ses yeux, et tout aussi absolument inutiles à ceux de son mari. C’est seulement le 2 janvier que sa berline s’arrête dans la nouvelle rue de la Victoire.
    Dès le lendemain, Bonaparte, qui a revêtu son habit vert de l’Institut, se rend à la fête donnée par Talleyrand à l’hôtel Gallifet, en l’honneur de la femme du général en chef de l’Armée d’Italie. La décoration, le service, le jeu, le buffet, sont dignes de l’Ancien Régime. Arnault, qui a dîné rue de la Victoire, accompagne Joséphine et son mari.
    — Donnez-moi votre bras, lui dit Bonaparte en entrant dans la salle de bal. Je vois là nombre d’importuns prêts à m’assaillir. Tant que nous sommes ensemble, ils n’oseront pas entamer une conversation qui interromprait la nôtre. Faisons un tour dans la salle, vous me ferez connaître les masques, car vous connaissez tout le monde, vous...
    La foule fait la haie, comme pour des souverains. On se croirait presque revenu à Versailles. Bonaparte est si entouré que Mme de Staël demande à Arnault de l’aider à approcher du grand homme. Arnault y parvient.
    — Mme de Staël, prétend avoir besoin auprès de vous d’une autre recommandation que son nom, déclara-t-il à Bonaparte, et veut que je vous la présente. Permettez-moi, général, de lui obéir.
    « Le cercle se resserre alors autour de nous, racontera Arnault, chacun étant curieux d’entendre la conversation qui allait s’engager entre deux pareils interlocuteurs... »
    « Corinne » offre au vainqueur une branche de laurier :
    — Il faut les laisser aux Muses, refuse froidement Bonaparte.
    Assurément, ce bas-bleu de Corinne l’énerve. Elle insiste.
    — Général, quelle est la femme que vous aimez le plus ?
    — La mienne !
    — C’est tout simple, mais quelle est celle que vous estimeriez le plus ?
    Celle qui sait le mieux s’occuper de son ménage.
    — Je le conçois encore, mais enfin, quelle serait pour vous la première des femmes ?
    — Celle qui fait le plus d’enfants, Madame !
    Pendant le souper, Bonaparte et Talleyrand se tiennent derrière la chaise de Joséphine, comme pour la servir. Son mari, nous dit Stanislas de Girardin, « paraît être fort occupé d’elle, on dit même qu’il en est très amoureux et excessivement jaloux. Bonaparte, poursuit-il, n’a pas plus de cinq pieds, son visage est pâle, ses joues sont creuses, ses yeux petits et éteints, tout annonce qu’il est poitrinaire. ».
    Quelqu’un d’autre se trompe également ce soir-là – et lourdement : Mallet du Pan, qui affirme :
    — Ce scaramouche à la tête sulfureuse n’a eu qu’un succès de curiosité. C’est un homme fini. Décidément fini

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