Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Bonaparte

Bonaparte

Titel: Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
Vom Netzwerk:
entreprise ou sa perte ». L’Égypte, ainsi que le dira son confident Bourrienne, lui paraissait « propre à entretenir sa renommée et à rehausser encore l’éclat de son nom... »
    Cependant, avant de convaincre le Directoire que, pour abattre Albion-la-Perfide, il valait mieux faire flotter le drapeau français en haut des minarets du Caire que sur la Tour de Londres, il fallait faire semblant d’inspecter l’armée destinée à envahir l’Angleterre. Aussi, le 8 février 1798 – avec Lannes, Bourrienne et Sulkowsky – il monte en voiture. Son voyage sera plus sérieux qu’on l’a affirmé. Il visite Étaples, Ambleteuse, Boulogne, Calais, Dunkerque, Furnes, Newport, Ostende, Anvers et l’île Walcheren. Partout il interroge, nous dit Bourrienne, « avec cette patience, cette présence d’esprit, ce savoir, ce tact, cette perspicacité qu’il possédait à un si haut degré », matelots, caboteurs, pêcheurs et jusqu’aux contrebandiers. « Il fait des objections et écoute attentivement les réponses. »
    — Eh bien, général ! lui demande Bourrienne sur le chemin du retour, que pensez-vous de votre voyage ? Etes-vous content ? Pour moi, je vous avoue que je n’ai pas trouvé de grandes ressources et de grandes espérances dans tout ce que j’ai vu et entendu.
    Bonaparte secoue la tête :
    — C’est un coup de dés trop chanceux, je ne le hasarderai pas. Je ne veux pas jouer ainsi le sort de cette belle France,
    Après être passé par Bruxelles, il regagne Paris le 17 février – et non le 18 ou le 20 comme on l’a dit. Trois jours plus tôt, Talleyrand, à la demande de Bonaparte, a remis au Directoire un rapport conseillant une expédition française vers l’Égypte.
    L’Égypte était bien déchue de ses splendeurs d’antan. Au VII e siècle, l’invasion arabe avait submergé la vieille terre des Pharaons et mis en servitude les coptes descendants des anciens égyptiens. Au XIII e siècle, un sultan avait commis l’imprudence d’introduire en Égypte douze mille esclaves géorgiens, arméniens ou circassiens. Juste retour des choses, ces hommes achetés, autrement dits des mamelouks, étaient à leur tour devenus les maîtres et la vallée du Nil avait retrouvé quelque peu sa magnificence. Puis était venue l’inévitable décadence et, au début du XVI e siècle, la Sublime Porte, autrement dit la Turquie, avait conquis l’Égypte et la Syrie sur les Mameluks, mais en leur laissant, toutefois, une partie de leur autorité. Aussi leurs chefs, au nombre de vingt-quatre, continuaient-ils à gérer les provinces avec le titre de bey. Leur gouvernement – ou diwan – était présidé par un gouverneur turc, dit le pacha à neuf queues, représentant le sultan de Constantinople. Cependant, depuis bientôt un demi-siècle, l’autorité de la Porte, tombée en quenouille, consistait simplement à voir son représentant accueilli en grande pompe au Caire et, pratiquement, les Mameluks – dix à douze mille hommes – se trouvaient les seuls maîtres du pays. Assurément, il y avait une carte à jouer en affirmant que l’on venait, non en conquérant, mais en qualité d’ami du Sultan, pour libérer la population indigène du joug des Mameluks.
    Cette opération se présentait comme une folie. Mais Bonaparte n’était point fou...
    — Je mesurais mes rêveries au compas de mon raisonnement, dira-t-il.
    Quels arguments pouvait-il employer pour défendre son projet ? D’abord les entraves que les beys mameluks – puisque Constantinople et Paris s’entendaient fort bien – apportaient avec un malin plaisir au commerce français. La vie des négociants français installés en Égypte se trouvait, en effet, de plus en plus précaire. Ensuite, l’annexion éventuelle de l’Égypte permettrait de contrôler les routes conduisant vers l’Arabie et les Indes, et remplacerait les colonies perdues sous le règne de Louis XV. Sans aucun doute, si la France ne s’emparait pas de l’Égypte, une autre puissance européenne – autrement dit l’Angleterre – le ferait. Ainsi que l’avait déjà déclaré le comte de Choiseul-Gouffier : « L’Égypte est à notre porte, l’Égypte n’est plus aux Turcs ; le pacha n’y est rien ; elle n’appartient à personne. »
    Vouloir atteindre l’Angleterre dans son empire des Indes était alors une idée en avance sur son temps. « Cependant, écrit Talleyrand, la fougue de son imagination et sa loquacité naturelle l’emportant hors

Weitere Kostenlose Bücher