Bonaparte
général en chef arrive le 17 février à El Arich, un gros fortin devant lequel Reynier, qui ouvre la marche, est arrêté, depuis le 9, par un parti de Mameluks d’Ibrahim et de fantassins albanais occupant à la fois le fort et un camp. Si les assiégeants souffrent de la faim, les assiégés, pourtant bien approvisionnés, jeûnent du lever au coucher du soleil, car l’on est en plein Ramadan. On commence par enlever le campement où l’on massacre quatre ou cinq cents hommes, puis les canons se mettent en demi-cercle et pilonnent le fortin. La garnison se défend avec héroïsme et – une brèche ayant pu être faite – capitule après deux jours de canonnade. La vie des vaincus est épargnée et les drapeaux turcs sont envoyés vers Le Caire.
Ayant assouvi leur faim, les troupes reprennent leur marche. Le 22 février, Bonaparte quitte El Arich et le 24 février, arrive devant Gaza. La ville occupée après un bref combat, on poursuit, le 28 février, l’avance vers le nord. Cette fois, le temps est mauvais. L’eau et la boue entrent dans la danse. Bonaparte trouve que le climat lui rappelle Paris à la même époque. Douze kilomètres après Gaza, Napoléon franchit l’actuelle frontière de l’Etat d’Israël, et le soir, il couche à Esdoud, autrefois la ville philistine d’Azoth dont nous parle Josué dans la Bible en nous disant qu’elle était « le lieu d’élection des Géants ». Le village, dont les maisons arabes ont été construites avec les pans de murs subsistant de la vieille cité, s’appelle maintenant Tel Ashod {20} Tel signifiant une colline artificielle formée par les ruines d’une ville.
Le 1 er mars, il est à Ramleh, l’ancienne capitale arabe de la » Palestine, au temps de l’occupation des Omeyyades, qui deviendra, en 1948, Ramla. Comme son nom l’indique pour ceux qui comprennent l’arabe, il s’agit d’une ville « assise sur le sable ». Ramleh, entourée d’orangeries magnifiques, est, fort heureusement pour l’expédition, au carrefour des routes caravanières et se trouve abondamment pouvue d’eau et de vivres. Bonaparte y installe son quartier général et loge dans une petite cellule blanche du couvent des Franciscains, à l’ouest de la ville... une petite chambre passée à la chaux et que l’on montre encore aux visiteurs.
Le 3 mars, l’état-major atteint les murs, tout blancs au soleil, de Jaffa, la Yafo actuelle qui n’est plus qu’un gigantesque marché aux puces, un souk formant le principal faubourg de Tel Aviv. La Belle Jaffa d’où était parti autrefois le prophète Jonas – un voyage qui, on le sait, se termina momentanément dans le ventre de la plus célèbre des baleines !... Jaffa-la-Belle qu’un autre général, nommé Marc Antoine, avait donnée en gage d’amour à une autre belle appelée Cléopâtre !... Les souvenirs du passé sont relégués au deuxième plan. Il faut, en effet, mettre le siège devant cette « bicoque » ainsi que Bourrienne baptise dédaigneusement la célèbre cité. La place résiste durant deux jours. Prise d’assaut, elle est livrée à un pillage atroce. Les deux mille hommes qui la défendaient sont passés au fil de la baïonnette. Le dromadaire François – c’est ainsi que l’on désignait ces cavaliers du désert – l’écrit : « Des cris, des lamentations se font entendre de toutes parts, poussés par ceux qui n’ont pu s’échapper et sont, en partie, égorgés à leur tour ». Trois à quatre mille Albanais – ou Arnautes, ainsi que les appellent les Turcs – se sont réfugiés dans la citadelle. Les vainqueurs les entourent. Bonaparte envoie deux de ses aides de camp – son beau-fils Beauharnais et Croisier – « pour calmer autant que possible la fureur des soldats ». Dès qu’ils aperçoivent les deux officiers portant leur écharpe blanche, les assiégés « crient des fenêtres qu’ils veulent bien se rendre si on veut leur assurer la vie sauve et les soustraire au massacre auquel la ville est condamnée » :
— Sinon, nous faisons feu et nous nous défendrons jusqu’à la dernière extrémité.
Beauharnais et Croisier acceptent de les faire prisonniers – « malgré l’arrêt de mort prononcé contre toute la garnison de la ville prise d’assaut » – et les conduisent vers le camp français.
Bonaparte, en voyant arriver cette masse d’hommes, lève les bras au ciel :
— Que veulent-ils que j’en fasse ? Ai-je des vivres pour les nourrir ? Des
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