Bonaparte
et « plus désavantageuse que la guerre ». Dans son esprit il ne peut s’agir que d’une trêve destinée à reprendre haleine. Et le 23 septembre de cette même année 1801, se trouvant à Malmaison, Napoléon apprendra la signature de la paix à Amiens.
— A Amiens, dira-t-il plus tard, je croyais de très bonne foi le sort de la France, celui de l’Europe, le mien fixés. Pour moi, j’allais me donner uniquement à l’administration de la France et je crois que j’eusse enfanté des prodiges.
Le 9 novembre 1801, pour le second anniversaire du 18 brumaire, Bonaparte lance cette proclamation aux Français : « Vous l’avez enfin tout entière cette paix que vous avez méritée par de si longs et si généreux efforts !... Fidèle à vos voeux et à ses promesses, le Gouvernement n’a cédé ni à l’ambition des conquêtes, ni à l’attrait des entreprises hardies et extraordinaires... Sa première tâche est remplie ; une autre commence pour vous et pour lui !... »
Le lendemain, il reçoit lord Cornwallis, représentant de l’Angleterre à Amiens. Bonaparte – pour la première fois depuis dix ans – désire montrer que la France a retrouvé le décor digne de son passé. Les consuls sont entourés d’une cour brillante. « Au milieu de tous ces riches uniformes, nous rapporte Constant, le sien était remarquable par sa simplicité ; mais le diamant appelé le Régent, depuis quelques jours dégagé par le Premier consul, étincelait à la garde de son épée. »
Un matin, à Malmaison, la petite cour voit Bonaparte repousser son assiette après avoir à peine déjeuné. Il fait les cent pas, demande trois tasses de café, puis monte à cheval suivi de Rapp et de Jardin. « Tant que nous fûmes en vue du château, racontera Rapp à Junot, le général alla au pas, mais une fois que nous eûmes gagné et dépassé la grille, il lança son cheval, lui enfonça ses éperons dans le ventre et la pauvre bête monta au galop de chasse cette route pierreuse de Bougival... Moi qui l’ai vu, je sais que ce n’est pas de l’humeur qu’il a, c’est du chagrin, c’est de la peine. »
Napoléon vient d’apprendre la perte de l’Égypte.
Les canons se sont tus au bord du Nil et Kléber a été assassiné par le fanatique Soleyman – un patriote, diront les Turcs. L’oraison funèbre de l’ancien chef des Mayençais, prononcée par Bonaparte est sévère :
— C’était un paresseux qui se laissait mener par le bout du nez par le petit Damas, qui était son mignon. Il vantait toujours les troupes allemandes et ne songeait qu’à ses plaisirs, racontera-t-il plus tard à Gourgaud. Souvent, dans ma tente, lorsque je lui parlais de Paris, je le voyais changer de visage. Il ne songeait qu’aux femmes et aux amusements de la capitale. Il n’aimait la gloire que comme le chemin des jouissances, tandis que Desaix aimait la gloire pour la gloire. Il était capable des plus grandes choses mais il fallait qu’il y eût à choisir entre la gloire et le déshonneur. Il n’était pas administrateur et blâmait mon système de cajoler les cheiks du Caire. Il a fait donner deux cents coups de bâton au cheik Saada, descendant du Prophète, aussi il a été assassiné.
Il faut maintenant, à l’ombre de la paix d’Amiens, faire passer la défaite égyptienne. « En Égypte, écrit Bonaparte dans son exposé, les soldats de l’armée d’Orient ont cédé ; mais ils ont cédé aux circonstances plus qu’aux forces de la Turquie et de l’Angleterre, et certainement ils eussent vaincu s’ils avaient combattu réunis. Enfin ils rentrent dans leur patrie, ils y rentrent avec la gloire qui est due à quatre années de courage et de travaux ; ils laissent à l’Égypte d’immortels souvenirs, qui peut-être un jour y réveilleront les arts et les institutions sociales.
L’histoire, du moins, ne taira pas ce qu’ont fait les Français pour y reporter la civilisation et les connaissances de l’Europe. Elle dira par quels efforts ils l’avaient conquise ; par quelle sagesse, par quelle discipline ils l’ont si longtemps conservée et, peut-être, elle en déplorera la perte comme une nouvelle calamité du genre humain... »
Bonaparte veut apporter une solution au drame né en France par la Constitution civile du clergé. Et, en faisant cesser cette douloureuse anarchie, il sera approuvé par la majeure partie du pays, demeurée foncièrement catholique. Déjà, à peu près partout, le « culte
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