Bonaparte
qu’un seul lit. Il le cède au proscrit. Il ira coucher chez un ami. Pichegru remercie encore avec effusion, puis l’on se quitte. Leblanc part chez le grand juge Régnier d’où il revient une heure plus tard avec un commissaire de police et des gendarmes. Ceux-ci forcent la porte. « Entrés dans la chambre à coucher, a écrit le commissaire dans son procès-verbal, nous avons vu un homme que nous avons reconnu pour être l’ex-général Pichegru, lequel aussitôt qu’il nous a aperçus, s’est assis sur son lit et a voulu prendre des armes qui étaient sous son oreiller, mais l’ayant fait saisir par des gendarmes, ceux-ci s’en sont rendus maîtres. L’ayant fait attacher afin de prévenir tout événement, nous avons fait perquisitionner et avons trouvé sous son oreiller un poignard dont la lame est de forme carrée, et un pistolet de poche chargé à balles. »
Pichegru enfermé au Temple, un assassin demeure encore en liberté : Cadoudal.
Le 28 février, Maret écrit au préfet de Police Dubois :
« L’intention du Premier consul, citoyen Préfet, est que sur-le-champ toutes les petites barrières de Paris soient fermées et que personne ne puisse y passer, soit à pied, soit à cheval, soit en voiture. Il y aura à chacune des trente-six grandes barrières un agent de police avec deux gendarmes. Toutes les personnes qui sortiront de Paris, soit à pied, soit à cheval, soit en voiture, hommes ou femmes, sans aucune exception, seront tenues de descendre au corps de garde, où on les confrontera avec le signalement de Georges et des quinze brigands qui ont pu être signalés... Les mêmes précautions seront prises pour les batelets, bateaux, coches, et trains de bois, à la sortie de la rivière, soit en remontant, soit en descendant... Les brigands sont tous à Paris ; ils sont nombreux ; il faut les y enfermer, afin de les avoir tous. »
Cadoudal est insaisissable. Cependant la police, en surveillant l’un des compagnons de Georges, un nommé Léridant, qui loge chez un certain Goujon, cul-de-sac de la Corderie, a la quasi-certitude que Cadoudal se cache aux environs de la place Maubert. Or, le 9 mars, l’officier de paix Petit apprend que le dit Goujon a loué pour toute la journée un cabriolet portant le numéro 53. Une nuée d’inspecteurs vient occuper la place Maubert. En effet, la nuit venue, on voit le cabriolet conduit par Léridant traverser la place et gravir la pente de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. On le suit, et, après la place Saint-Etienne-du-Mont, au moment où la voiture arrive à l’angle de la rue des Sept-Voies, un homme saute dans le cabriolet qui ne s’est pas arrêté. On reconnaît Georges, déguisé en fort des Halles. Tandis que fusent les cris : « Arrête ! Arrête ! », commence une extraordinaire poursuite à travers le quartier. L’un des policiers – Caniolle – est parvenu à s’accrocher aux ressorts. Une grande clameur monte :
— Georges ! C’est Georges !
Les fugitifs se dirigent vers la rue du Four où une nouvelle cache attend le chef de la conspiration. Peut-être parviendra-t-on à distancer la meute des poursuivants, de plus en plus nombreuse et qui court aussi vite pourtant que le cabriolet – plus vite même, puisque deux agents, à la hauteur de la rue Voltaire, parviennent à le devancer et à saisir les rênes, au moment où Georges saute de la voiture. Cadoudal, qui a un pistolet dans chaque main, fait feu à quatre reprises, tue l’un, des agents, blesse Caniolle et s’enfuit... mais il est rattrapé, terrassé et garrotté.
Conduit dans le cabinet de Dubois, on l’interroge et on lui reproche, pour commencer, d’avoir tué un agent :
— Un père de famille !
— La prochaine fois, conseille-t-il, imperturbable, faites-moi donc arrêter par des célibataires.
— Où habitiez-vous au moment de votre arrestation ?
— Dans un cabriolet, répond Georges en riant.
On en vient à la question principale :
— Que veniez-vous faire à Paris ?
— Je venais attaquer le Premier consul.
— Aviez-vous beaucoup de monde autour de vous ?
— Non, parce que je ne devais attaquer le Premier consul que lorsqu’il y aurait un prince à Paris et qu’il n’y est point encore...
— Le plan a donc été conçu et devait être exécuté d’accord avec un ci-devant prince français ?
— Oui, citoyen juge.
Un prince français ?... Une terrible affaire commençait !
XXI
LA MARCHE DU TRONE
Il y a des crises où
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