Bonaparte
Antibes où il retrouve Désirée venue voir sa soeur, maintenant Mme Joseph Buonaparte. Napoleone est de nouveau sous le charme. L’amourette reprend... Le 5 septembre, il quitte Nice à la suite de l’État-Major, tandis que Désirée regagne Marseille. C’est là qu’il lui adressera cette première lettre écrite d’Oneille {10} :
« La douceur inaltérable qui vous caractérise, l’heureuse franchise qui n’appartient qu’à vous, m’inspirent, bonne Eugénie, de l’amitié, mais absorbé par les affaires, je ne devais pas penser que ce sentiment devait recevoir dans mon âme une cicatrice plus profonde. Étranger aux passions tendres je ne devais pas me méfier au plaisir de votre société. Le charme de votre personne, de votre caractère, a gagné insensiblement le coeur de votre amant. Vous avez depuis lu dans mon âme. Vous m’avez même promis de l’amitié. Il est vrai que vous ne vous êtes pas moins éloignée de vos amis avec précipitation. Mais de mon côté, le devoir m’entraîne à vous quitter. Vous ne serez donc pas surprise que je déjoue l’éloignement en vous épanchant mon âme. Il est nuit, tout promet les vents à la mer et demain, nous serons encore plus éloignés de dix lieues. Je ne penserai que plus souvent à Eugénie ; mais elle, dans l’âge et du sexe de l’inconstance, partagera-t-elle ma solitude, mes peines, mon amour ? ! ! ! C’est par l’absence que les sentiments vacillent et les caractérisent (sic). Eugénie est-elle tout entière à son amant ? »
Amant ! Dans le sens donné à ce mot au XVIII e siècle bien sûr... D’ailleurs, les sentiments qu’il porte à Désirée Clary ne l’empêchent pas de faire la cour à la jeune femme de Turreau de Lignières. Elle se nomme Louise – Louise Gauthier. Le jeune général la trouve « extrêmement jolie et fort aimable ».... Si aimable qu’elle se donne à Buonaparte.
— J’étais heureux, dira-t-il plus tard, et fier de mon petit succès...
La seconde lettre qu’il écrira à Désirée n’est guère tendre. Il lui conseille de s’adonner à la musique qui « de tous les talents, est celui qui tient le plus aux sentiments » et lui recommande de se livrer à la lecture qui « meublera sa mémoire ». Il ne parle plus de son amour – et Désirée est en droit de lui répondre que « la plus sensible des femmes aime le plus froid des hommes ». Cette fois, touché à vif, Buonaparte se défend :
« Si vous étiez témoin, Mademoiselle, des sentiments que m’a inspirés votre lettre, vous seriez convaincue de l’injustice de vos reproches... Il n’est pas un plaisir auquel je ne désire vous associer. Il n’est pas un rêve que vous ne soyez de moitié. Soyez donc bien sûre que « la plus sensible des femmes aime le plus froid des hommes » est une phrase inique de méchanceté et d’injustice que vous n’avez pas crue en écrivant. Votre coeur la désavouait lorsque votre main l’écrivait. »
Mais la fin de la lettre prend de nouveau un petit ton « magister ». Il lui recommande de « s’accoutumer à chanter la gamme par une note quelconque ». Il explique sa méthode, qui est d’ailleurs inapplicable... Et il termine sa lettre par ces trois mots inattendus : Souvenir, gaieté, santé.
Après la carte du Tendre, voici celle des opérations guerrières. La campagne contre les Piémontais et les Autrichiens reprend sans la moindre envergure. On oblige simplement l’ennemi à se replier sur Dego et l’on « bouscule » les arrièregardes autrichiennes. L’archiduc Ferdinand avait raison d’écrire le 3 septembre précédent en parlant du « général Bonaparte » : « C’est un Corse hardi, entreprenant, qui, certainement, voudra risquer quelque attaque. »
Ainsi que l’a remarqué Louis Madelin, c’est la première fois que le nom de Bonaparte – orthographié comme le fera Napoléon dix-huit mois plus tard – apparaît sous la plume d’un prince de la Maison d’Autriche qui devait, fait alors bien imprévisible, devenir en 1810 son cousin par alliance.
De son côté, le général Dumerbion reconnaît les mérites de Napoleone :
— C’est aux talents du général de l’artillerie que je dois les savantes combinaisons qui ont assuré le succès.
Un succès sans éclat – surtout si nous le comparons à la future campagne d’Italie. Cependant les Français, au mois de novembre, ne s’en sont pas moins installés au Caire et à Carcare. De là, selon Buonaparte, on
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