Byzance
d’harmonie que les rouages de l’horloge à eau.
Les cris montèrent l’escalier, devinrent un grondement de colère puis augmentèrent encore en intensité. Dans un tourbillon de couleur et une cacophonie d’armure, un grand blond rougeaud, en tenue de cérémonie rouge et or de la Grande Hétaïrie, entra en coup de vent dans le bureau de Haraldr. Il écarta Eustratios et deux de ses eunuques, comme un ours en colère repousserait de simples roquets. La mâchoire de Gabras tomba. Haraldr se leva, stupéfait, ne sachant s’il devait se défendre ou se soumettre à cet émissaire de la justice impériale.
— Manglavite Haraldr, dit le nouveau venu d’un ton d’excuse.
Il n’avança pas et continua en langue du Nord, avec un accent de paysan islandais mais avec la diction parfaite d’un homme capable de lire et d’écrire les runes aussi bien qu’un scalde.
— Je suis Thorvald Ostenson, centurion de la Grande Hétaïrie. Je vous supplie de ne pas considérer la manière dont je me présente à vous comme une insulte. J’ai sollicité de vous rencontrer d’une manière normale, mais votre serviteur (il montra Eustratios, qui fixait encore l’intrus d’un œil noir) a simplement placé ma requête avec toutes les autres bien que je lui aie assuré qu’il s’agissait d’une question de vie ou de mort.
Ostenson tendit un petit document roulé et scellé.
— L’hétaïrarque Mar Hunrodarson m’a demandé de m’assurer que vous lisiez et détruisiez ce message.
Haraldr brisa le sceau et déroula le papier. Le message était en runes, d’une écriture qu’il voyait pour la première fois. Il disait ceci : « Ne négligez pas la mise en garde d’un homme du Nord à un autre. Vous courez un grave danger dans cette maison. Il faut que vous me rencontriez ce soir au Forum de Constantin, à la septième heure. Je vous attendrai à côté de la grande statue. Assurez-vous que personne ne vous suivra. Votre vie en dépend. »
— Vous avez compris ? demanda Ostenson quand Haraldr leva enfin les yeux du message.
Haraldr acquiesça, presque soulagé. Si Mar était en ville, l’empereur était revenu, et donc son épée puissante se trouvait déjà sur la nuque des traîtres. Le Forum de Constantin serait le lieu de l’exécution de Haraldr. Il regarda fixement les yeux perçants d’un bleu glacé de l’Islandais. « Est-ce vraiment si simple ? se demanda-t-il aussitôt. Mar agit-il en tant qu’agent de l’empereur ou bien en son nom personnel ? » Ostenson prit le papier des mains de Haraldr et leva les yeux vers le lustre circulaire qui baignait la pièce d’une douce lumière dorée, il présenta le message à l’une des flammes, puis retourna le papier jusqu’à ce qu’il se réduise en cendres qu’il écrasa dans ses mains et laissa tomber sur le sol. Il s’inclina profondément devant Haraldr puis se dirigea rapidement vers la porte. Avant de quitter la pièce, il marqua un temps et croisa le regard de Gabras. Gabras se détourna aussitôt, en tirant sur ses manches.
* *
*
« J’ai cru que tu ne reviendrais jamais vers moi, lui dit-elle tandis qu’elle embrassait les larmes de ses joues. Je t’aime. Je t’ai aimé aussi pour l’amour d’elle, expliqua-t-elle très lentement tandis que chaque mot déchirait une fibre de son cœur, mais notre amour à nous était plus fort. »
La souffrance déferla sur elle comme une vague et elle poussa un cri. Il lui sourit et se tourna légèrement ; elle vit alors du sang jaillir de son cou à chaque battement de cœur et se répandre sur ses épaules et sur sa poitrine. Elle regarda les gouttelettes rouges souiller les draps de soie, mais quand elle releva les yeux vers le visage, la chair en était tombée, elle pourrissait sous ses yeux. Enfin les dents blanches se desserrèrent et il rit. « Je suis mort », dit-il d’un ton neutre, et il ricana après ces paroles terribles : « Tu m’as tué. »
— Va-t’en, va-t’en, maudite chose, murmura Zoé en berçant la tête de Maria contre sa poitrine et en essuyant les larmes qui glissaient sur ses joues. Les yeux de Maria s’ouvrirent brusquement. Elle se rappela soudain le cauchemar dont elle s’éveillait et se redressa. Elle vida d’un trait le gobelet d’argent qu’elle avait laissé sur la petite table d’ivoire à côté de son lit, espérant que le vin chasserait de sa bouche l’arrière-goût amer de frayeur et de mort. Elle regarda
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