Byzance
sentiront certainement insultés si nous suggérons qu’ils battront en retraite devant un ennemi aussi éphémère que la pluie.
L’empereur se tourna vers Mar qui se tenait juste à côté de son trône.
— Hétaïrarque, pouvez-vous exécuter cette attaque dans les conditions décrites ?
— Majesté, répondit Mar en s’inclinant, j’ai consulté les minsoratores qui ont étudié le terrain. Je suis convaincu que le drainage est suffisant pour permettre à la Grande Hétaïrie d’avancer résolument et sans retard.
— Manglavite ?
Le regard vif de l’empereur avait identifié Haraldr dans le groupe des jeunes officiers. Le commentaire de Mar sur le terrain surprit fort Haraldr. Il avait parlé lui aussi aux minsoratores et ils lui avaient annoncé un terrain difficile en cas de pluie. Mar n’avait pas suivi les conseils de Haraldr concernant les chaussures à prévoir en cas de boue. Mais Haraldr était convaincu que ses propres hommes, convenablement chaussés, pourraient lancer l’attaque.
— Majesté, dit-il, la Moyenne Hétaïrie est également prête à exécuter cet assaut.
L’empereur posa les mains sur les genoux et se pencha légèrement en avant.
— Donc, après les préliminaires habituels, notre attaque initiale sera lancée par la Grande et la Moyenne Hétaïrie.
L’empereur s’arrêta et parcourut la pièce des yeux ; son regard était si intense qu’il donna à chaque homme l’impression de s’adresser à lui.
— Je prendrai le commandement et participerai à l’assaut des Varègues.
* *
*
Une ville s’était élevée en une soirée sur cette plaine vide au nord de Salonique. Les torches fumantes et les feux de camp dessinaient une vaste croix, avec au centre la tente de l’empereur pareille à un palais portatif avec son dôme de brocart. Autour de cette cité s’étendait un cercle d’animaux de bât et de chariots, à peine visible à travers la muraille mobile de la pluie. La botte de Mar s’enfonça dans une flaque d’eau. En général, le déploiement du matériel romain suffisait à effrayer les ennemis, mais les Bulgares étaient sous le joug des Romains depuis assez longtemps pour leur avoir emprunté équipement et tactiques. Ils savaient qu’une bonne partie de cet étalage n’avait rien à voir avec l’efficacité au combat, mais ne servait qu’à faire montre de la magnificence de l’empereur sur le champ de bataille. Plus d’une fois, en particulier avec des commandants en chef comme Dalasséna, l’armée semblait plus encline à protéger le train des bagages impériaux qu’à attaquer l’ennemi. Quels imbéciles ! Deux mille hommes du Nord, dont le chef dormait à la dure au milieu de ses hommes, surpassaient la Taghmata impériale tout entière.
Mar cherchait une tente de la branche nord de la croix, dans une section réservée aux officiers subalternes des Hyknatoï impériaux. « Un incroyable affront pour le césar », songea-t-il. Il n’aurait jamais cru l’empereur capable d’autant d’animosité mesquine et de jalousie. Mais c’était aussi bien, cela rendrait d’autant plus facile ce qu’il avait à faire. Un seul akritès se tenait à l’avant de la tente ; apparemment on n’avait même pas accordé au césar un mandator pour lui transmettre les ordres du haut commandement.
— Hétaïrarque, s’écria Michel Kalaphatès.
Le césar semblait aussi sincèrement surpris et ravi qu’un homme apprenant sa libération de la Numéra. « Odin favorise cette entreprise, se dit Mar. Laissons les pièces du puzzle tomber où elles doivent. » Michel lui offrit un siège de camp et un gobelet de mauvais vin du pays. « Ils l’ont même privé d’une boisson de qualité impériale », songea l’hétaïrarque.
— Altesse, dit Mar, je sais que vous êtes un homme qui comprend les risques, et qui à l’occasion a vu pas mal de batailles. Comme notre Père, je ne sais pour quelle raison, a négligé de vous demander votre opinion sur l’entreprise de demain, j’ai pris l’initiative – j’espère que vous ne la jugerez pas trop téméraire – de solliciter votre avis.
Pas un instant, Michel ne crut en cette flatterie, mais il la jugea de bon augure. Mar avait envie de quelque chose. Au moins une personne avait encore besoin de lui.
— Je serais heureux d’aider un combattant aussi éminent que vous de toutes mes compétences, hétaïrarque, mais je dois avouer que j’en sais beaucoup plus
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