Byzance
fort pour que l’on entende les commentaires inspirés par l’arrivée de Maria. Haraldr s’était demandé quelle nouvelle innovation elle apporterait à sa toilette car son costume dans le style grec ancien avait déjà inspiré de nombreuses imitations. Cette fois, elle portait une tenue de danseuse, sa tunique courte était taillée dans de la soie blanche brodée et le long fourreau de tissu était fendu jusqu’à la taille. La vue de ses jambes à peine voilées mit Haraldr mal à l’aise. Il ne savait pas qu’il la désirait autant, et cela lui fit peur.
— Hétaïrarque, demanda Argyros en observant la réaction de Haraldr, avez-vous jamais envisagé d’épouser notre Hélène, votre Maria ? J’espère que je ne présume pas trop de notre amitié…
— Je l’ai envisagé. Oui.
Maria se frayait un chemin au milieu de la foule, et ses dents étincelaient à chaque compliment tandis que ses yeux bleus mettaient au défi les matrones désapprobatrices. Le temps qu’elle rejoigne Haraldr, un groupe de jeunes femmes s’était joint à elle, avec leurs dames de compagnie, dans leur désir d’approcher cette femme que leurs mères condamnaient avec tant de véhémence. Maria salua Haraldr et Argyros avec une politesse formelle irréprochable, puis leur présenta sa dame de compagnie. Mais ensuite, elle posa la main sur le bras de Haraldr et se tourna vers Théophano Attaliétès au milieu de son contingent de matrones outrées.
— Il faut que je vous présente à l’épouse de notre plus éminent sénateur, dit-elle. Ainsi que vous, Nicéphore Argyros.
Rien, même pas sa forteresse de vertu outragée, ne pouvait sauver Théophano. Le titre officiel de Maria, maîtresse des robes, était supérieur à toutes les dignités de la cour, sauf celle de l’augusta née dans la pourpre et bien entendu celle de l’impératrice. Maria fit les présentations à deux pas de la bonne femme rouge d’apoplexie, et Théophano fut contrainte par son sens rigide de l’étiquette de balbutier « hétaïrarque » et « messire » à ces deux sous-hommes. Satisfaite, Maria entraîna Haraldr et Argyros.
— Elle va souffrir les tourments des damnés quand elle verra que vous êtes placé à la droite de l’impératrice.
Haraldr se raidit.
— C’est tout naturel, expliqua Maria. Je suis toujours à gauche de l’impératrice et vous serez donc en face de moi.
Haraldr se dit que Rome était devenue un village vraiment très petit.
* *
*
— Je crois que l’homme que vous cherchez n’a jamais quitté Césarée, mon frère, dit le moine.
Les yeux rouges et le front plissé par l’effort, il peignait une fresque au fond de sa tombe de rocher. « Sa tombe – il n’y a pas d’autre mot », se dit Constantin. Mais la ferveur de la vision de ce peintre avait transformé la chapelle en un paradis primitif où des apôtres polychromes planaient dans des niches merveilleusement sculptées tandis que des Pantocrator auréolés d’or trônaient sur les surfaces lisses de l’abside et du dôme. L’odeur âcre de peinture fraîche repoussait l’odeur rivale, omniprésente, de la poussière de grès.
Constantin remercia le moine, prit dans sa bourse (qui diminuait de plus en plus) un follis de cuivre pour le remercier, se baissa pour franchir le porche voûté et sortit dans le crépuscule brûlant de Cappadoce. Il n’avait plus d’espoir. Il avait déjà visité une demi-douzaine des chapelles les plus vastes, et il commençait à croire lui aussi que le chartophylax était resté au siège de l’évêché, à Césarée. Constantin avait pourtant vérifié que les dossiers épiscopaux ne mentionnaient aucune trace de son passage. Il ne restait plus qu’une seule grande chapelle capable de posséder une documentation importante. Constantin enfourcha pesamment sa mule.
Les sentiers mal entretenus qui serpentaient entre les cônes de grès burinés par l’érosion étaient bondés de moines qui se hâtaient de gagner leur sanctuaire avant la nuit. Car cette ville de moines avait attiré la vermine urbaine habituelle ; Constantin avait vu le « clergé » séculier de l’endroit aux aguets, ou simplement endormi dans l’ombre en attendant que les ténèbres tombent pour dissimuler leurs sacrements d’agression et le vol. Constantin trouva la dernière chapelle, mit pied à terre et monta laborieusement l’échelle de bois tremblante. Ses mains étaient déjà couvertes d’ampoules.
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