Byzance
la poupe.
La robe de pourpre du nobilissime brillait d’un vif éclat à la proue de la trirème impériale. L’énorme bâtiment vira presque aussitôt sur la gauche et se prépara à accoster. Constantin leva les yeux vers le Palais et fit un signe de la main, comme s’il savait que son neveu était en train de le regarder. Michel lui rendit son salut. Puis l’empereur releva la tête vers le soleil et porta aussitôt la main à son front pour protéger ses yeux éblouis.
Neuvième partie
— Ça vous impressionne, n’est-ce pas ? lança le droungarios du catépanat d’Italie, Mar Hunrodarson, en montrant les mosaïques.
Le siège de son gouvernement provincial était une basilique de Bari, ancien bâtiment datant de l’époque de l’empereur Justinien avec de lourdes arcades et un toit plat à caissons. Mar fit signe à ses eunuques de servir le vin à son invité, puis invita celui-ci à s’asseoir sur un divan dans la partie est de la vaste salle, où l’on avait étalé un grand tapis bleu sur le sol de marbre.
— La richesse que vous voyez ici, en Italie, dit Mar en s’asseyant dans son fauteuil, n’est que la merde de l’aigle impérial. Vous constaterez le bien-fondé de mes paroles dès que vous arriverez en Grikia.
Mar fit signe à la prostituée et elle s’avança en un murmure de soie rose. Ses yeux bleus à l’éclat dur trahirent le choc qu’elle ressentait quand elle vit le visage de l’homme qu’elle avait été payée pour distraire. Mais elle s’assit aussitôt à ses côtés et posa son bras élégant sur les énormes épaules voûtées. L’invité glissa sa main de brute autour de la taille fine ; la peau cuite par le soleil était sillonnée de dizaines de cicatrices et presque tout l’index manquait.
— Je vous ai fait venir pour une raison précise, continua Mar. Le grand roi de Grikia est mort et je viens d’apprendre la défaite du frère qui lui servait de maréchal (Mar utilisait des termes que son invité pouvait comprendre). Le grand roi qui vient d’être nommé son successeur m’a promis jadis un poste très élevé. Je suis certain que lorsque je lui rappellerai sa promesse, il sera enchanté de la tenir. Et s’il ne le fait pas, Kristr, le chef sorcier des Griks, m’aidera à le renverser.
— Dans ce cas, pourquoi avez-vous besoin de moi et des miens ?
La voix qui venait de la poitrine d’ours était d’une douceur surprenante.
— Je vous ai déjà dit que je savais où vous pourriez trouver le prince qui n’est pas mort à Stiklestad.
— Oui. Haraldr Sigurdarson. C’est pour cette raison que je suis venu. Est-il en Grikia ?
— Oui. Il est complice de ce grand roi qui m’a manqué de parole. J’espérais qu’il serait mon allié dans ma juste cause, mais il a une langue de serpent et je suis certain maintenant qu’il combattra mes ambitions.
— De combien d’hommes aurez-vous besoin ?
— De beaucoup. Je crois que l’armée de Grikia se dressera contre moi. Elle n’a pas envie d’être commandée par un blond. Cependant, je sais aussi qu’un fils du grand-prince de Rus a une dent contre les Griks. Un de ses camarades a été abattu au cours d’une bagarre dans la Grande Ville. Ce prince de Rus est fort ambitieux et ceci lui offrira un prétexte pour attaquer. Mais bien entendu, vous connaissez ces gens de Rus. Sans hommes du Nord pour les commander, ce sont des femmes.
— Le roi Sven m’accordera dix fois trois cents hommes. Est-ce que cela suffira pour guider ces Rus ?
Mar réfléchit pendant un instant.
— Des hommes comme vous ?
— Vous savez qu’il n’y a pas beaucoup d’hommes comme vous et moi. Mais ce seront des hommes éprouvés. Beaucoup se sont battus pour Knut, le père de Sven, à Stiklestad.
— Oui. Cela suffira. Je vais envoyer avec vous mon maréchal, Thorvald Ostenson. Il servira d’intermédiaire avec le prince de Rus. Je signalerai à Thorvald le moment opportun pour lancer votre attaque. Il vous faudra suivre très précisément ces indications, pour que vous puissiez arriver aux portes de Miklagardr sans que les patrouilles ne décèlent votre présence. Ensuite, tout ce que vous avez vu ici en Italie sera à vous.
— Si je peux tuer Haraldr Sigurdarson, cela vaudra pour moi beaucoup plus que tout ce butin. Le roi Sven a déjà élargi les possessions du roi Knut. Aurai-je le droit de tuer Haraldr Sigurdarson ?
Mar regarda fixement les yeux fous de son
Weitere Kostenlose Bücher