Byzance

Quand ce sera réglé entre vous, je ferai tout ce que je pourrai pour vous faciliter un prompt retour auprès de votre peuple.
    Michel allait faire le signe de la croix quand il se souvint d’une chose.
    — Consacrez-moi encore un instant, hétaïrarque. C’est vrai, comme vous le dites, je peux me confier à l’amour de mon peuple, mais qui sait si des agents étrangers ne songent pas à envoyer des nuages dans ma direction ? Il faudra que je remplace vos Varègues, et je n’ai guère envie de rappeler d’Italie votre prédécesseur, Mar Hunrodarson. Il a fait là-bas du bien meilleur travail que lorsqu’il était ici pour protéger mon oncle défunt, que le Pantocrator garde son âme. Mais j’ai acheté récemment un contingent d’eunuques petchenègues parlant un peu la langue grecque, entraînés aux armes, et qui ont déjà accompli pour moi quelques tâches de façon fort satisfaisante. N’estimez-vous pas que je devrais en faire ma garde temporaire jusqu’à ce que je puisse m’assurer les services de Varègues loyaux ?
    — Majesté, je crois que vos intuitions concernant Mar Hunrodarson sont particulièrement perspicaces.
    Haraldr n’ajouta pas qu’il avait l’intention de rentrer en Norvège par l’Italie, et que Mar Hunrodarson cesserait bientôt d’être disponible pour tout service.
    — Quant à la valeur des Petchenègues, je me suis battu contre eux et j’ai toujours pensé que si on leur apprenait la propreté, la lecture et la discipline militaire, ils deviendraient le fléau de la terre. Ils ne craignent absolument pas la mort. Ces hommes devraient vous servir très bien.
    Michel inclina la tête et fit le signe de la croix. Au moment où Haraldr s’éloigna, les mains croisées sur sa poitrine, le regard de Michel croisa aussitôt celui de Constantin.
    * *
*
    — Appelez-moi « mon époux ».
    Zoé éclata de rire et frotta l’onguent émollient sur sa jambe nue. Sa robe écarlate était fendue jusqu’à la taille. Elle en avait étalé le tissu derrière elle comme une queue de paon pour s’asseoir, fesses nues sur les draps de soie.
    — Je n’ai pas envie de jouer à ce jeu-là ce soir, mon petit précieux.
    Elle se pencha en avant et lança d’un ton sifflant entre ses dents blanches étincelantes :
    — J’ai envie de jouer au chien et à la chienne.
    Michel demeura très digne.
    — J’estime vraiment que vous devriez m’appeler « mon époux ».
    — Mon époux !
    Zoé bascula la tête en arrière et ricana sans retenue.
    — Mon premier époux était impotent, mon second n’a pu faire l’amour avec moi qu’au moment où nous étions adultères de mon premier, et vous voudriez que je vous appelle ainsi ? J’ai envie que vous restiez mon petit garçon, dit-elle en faisant la moue.
    Michel glissa la main entre les cuisses nues de Zoé.
    — Il est très important que vous m’appeliez « mon époux », dit-il, et ses yeux brillèrent à la lueur de la lampe.
    Zoé enleva la main de Michel.
    — Vous ne m’avez pas demandé la permission, mon précieux.
    — Un époux ne demande pas.
    — L’épouse d’un marchand de poisson n’espère pas qu’on lui demande la permission. Mais je suis née dans la pourpre et vous êtes mon enfant. Vous demanderez la permission.
    — Je suis l’empereur et le bien-aimé de ma ville.
    — Et mon petit chéri aussi. Mais vous devez demander la permission avant de pouvoir ouvrir le reliquaire rose de votre Mère.
    — Mon peuple m’inviterait à vous prendre chaque fois qu’il m’en vient fantaisie.
    — Votre peuple vous donne seulement ce que votre Mère est prête à vous donner. Ne vous faites pas d’illusion, ne croyez pas que votre peuple vous aime simplement pour vous-même. Vous êtes aimé parce que j’ai fait de vous mon enfant.
    Michel fut incapable de répondre ; pendant un instant son visage se durcit et sa peau parut tendue à se briser sous la force de ses mâchoires serrées.
    — Je ne vous demande pas de nouveau de m’épouser, comme je l’ai fait après la mort de votre époux, dit-il enfin d’une voix curieuse, tremblotante, et les yeux bleus de Zoé s’agrandirent. Je veux simplement que dorénavant vous fassiez semblant que je sois votre époux. Dans votre lit.
    De nouveau, il glissa la main entre les cuisses nues et remonta vers l’aine.
    — Ici.
    Zoé lui saisit la main mais il refusa de l’enlever.
    — Vous devenez vraiment le petit bonhomme de votre Mère,