Byzance
renverser l’orphanotrophe. Je le crois capable de tout, celui-là. Quand tous vos hommes seront-ils en ville ? demanda-t-elle en caressant le front de son mari.
— Demain matin.
— Ça suffira. Il faudra agir avec précaution. Sans les commerçants et les artisans derrière nous, nous ne pouvons pas attaquer la Taghmata impériale de front. Ce sont les artisans qui ont la plupart des armes.
— Je crains que nous n’ayons pas beaucoup de temps, objecta Halldor, visiblement déçu.
— Au Stoudion, nous aimons votre Haraldr autant que vous, mon enfant. Mais en ce moment, soit il est vivant, soit il est mort, et ni vos craintes ni les miennes n’y changeront rien. Je peux obtenir une réponse demain vers midi et de toute façon vous ne pouvez rien faire avant. Mais à ce moment-là j’aurai un otage à échanger contre sa vie.
— Un otage ?
— Oui. Son oncle le nobilissime a un palais dans la ville.
Halldor secoua la tête.
— Avec une garde privée considérable, et la Taghmata impériale prête à intervenir un quart d’heure après son premier appel. Dans ces conditions, même mes Varègues ne pourront prendre son palais de force. Il s’ensuivrait une confrontation dont nous convenons tous deux qu’elle serait suicidaire.
L’Étoile bleue croisa les bras sur son imposante poitrine. Ses mains et ses avant-bras possédaient encore la fermeté de l’athlète qu’elle avait été jadis.
— La Taghmata sera impuissante contre l’armée que je vais envoyer contre eux. Allez donc vous reposer, mon enfant.
* *
*
— Vous ne vous prosternez pas devant votre empereur ?
Michel avait enlevé le diadème impérial, mais il portait la tenue complète de son office. Ses yeux balayèrent l’antichambre, comme à la recherche de témoins de cet affront.
— Vous n’avez pas la politesse d’un empereur, lui répondit Maria, les yeux fous. Pourquoi vous montrerais-je du respect en retour ? Je suppose que c’est vous qui m’avez enfermée ici pendant toutes ces heures. J’ai demandé à voir mon fiancé et ma Mère Zoé, et je n’ai reçu que les ricanements méprisants de ces nomades châtrés que vous employez maintenant.
Michel dévisagea Maria en penchant légèrement la tête, avec l’expression émerveillée d’un homme qui contemple une vision étonnante.
— Vous êtes la plus belle femme du monde. Je me réveille souvent sur ma couche impériale en songeant au plaisir que j’éprouverais, à voir vos seins blancs, vos jambes et vos hanches devant moi. Alors je me caresse en imaginant que vous me caressez. Je pense à vous et à votre brute aux cheveux d’or, et j’imagine la… politesse que vous devez avoir pour absorber ses… élans. Et d’autres hommes disent aussi qu’ils ont couché avec vous. Ils racontent que votre peau est comme de l’argent fondu, chaude et lisse. Ils disent que vous les consumez. Que vous embrasez le cœur.
Maria écouta jusqu’au bout, impassible.
— Je suis ravie de penser que j’amuse Votre Majesté aux moments où elle n’a personne pour s’occuper d’elle.
Le visage de Michel devint très rouge.
— Vous vous occuperez de moi.
Ses lèvres s’agitèrent sans prononcer un mot pendant un instant, puis il hurla :
— Tu t’occuperas de moi, salope. Tu me prendras en toi, tu uniras ton feu ardent à ma lumière d’or et tu m’appelleras « mon époux ». « Mon époux. » « Mon époux. »
Maria sourit.
— Il n’y a qu’un seul homme que j’appellerai jamais mon époux. Et ce n’est pas le petit roi de Rome.
Michel bondit et se campa à un pas de Maria. Il lui lança un regard noir, hanté, avec une grimace hideuse qui dénudait ses dents et faisait trembler ses lèvres pourpres et ses joues livides.
— Alors tu appelleras « mon époux » un cadavre, salope, hurla-t-il si fort qu’il semblait cracher sa gorge. Je l’ai tué. Je l’ai empoisonné.
La grimace de Michel se mua en ricanement d’allégresse et il se mit à danser en rond devant Maria en agitant les bras et les jambes comme une marionnette.
Maria sentit la main du destin saisir son cœur et l’écraser. « Non. Il n’est pas mort. S’il était mort, je le saurais. Je le saurais, où qu’il soit dans le monde. » Et pourtant son cœur était de plus en plus glacé. Non. Elle s’efforça de calmer sa voix.
— Vous mentez.
Michel laissa tomber ses bras.
— Ah bon ? Pourtant vous étiez inquiète à son sujet et au
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