Byzance
armés de boucliers d’osier tressés et de tout un assortiment de massues, d’outils, d’épieux et de couteaux. On reconnaissait les femmes parmi eux aux fichus de toile grossière qui dissimulaient leurs cheveux. Les Varègues de Haraldr attendaient en armure devant la spina centrale du stade ; des échelles de siège en bois parsemaient leurs rangs.
Haraldr savait que son différend avec Mar serait réglé avant la fin de la journée, mais l’imminence de la mort ne le troublait pas. Où se trouvait Maria ? Avait-elle été arrêtée ainsi que Siméon ? Était-elle en train de subir les tortures qu’elle lui avait épargnées ? Dans ce doute déchirant, il envisagea de rentrer dans le Palais tout seul, au prix d’une mort certaine ; mais si elle était saine et sauve en ce moment, seulement incapable de venir le rejoindre ? Un trépas inutile ne récompenserait pas le courage de la jeune femme. Le destin préside à cette journée, décida-t-il. Le sort avait déjà condamné ceux qui quitteraient le royaume du milieu avant la fin du jour.
Le chœur des cris qui montaient du côté du Bucoléon, nettement audibles, déchira la forteresse de silence de l’immense stade. Une clameur s’éleva des rangs de l’armée du Stoudion :
— Michel ! À bas Michel ! Nous te pendrons par les pieds à une colonne et nous couronnerons ton cul !
Tout en haut, les Varègues de Mar répondirent en faisant claquer leurs haches sur leurs boucliers. Haraldr traversa les rangs de ses hommes et sauta sur le premier gradin du stade pour les haranguer.
— Varègues ! Ce que vous entendez, c’est le geste que font en battant leur coulpe des hommes qui se sont tapis lâchement dans leur propre boue pendant que nos camarades mouraient devant les Bulgares. Pour nos camarades qui sont en train de boire l’hydromel au Walhalla, forçons ces hommes à s’incliner devant le courage de ceux qu’ils ont trahis. Aujourd’hui, ici même.
Les Varègues se mirent à hurler « Haraldr, Haraldr ! » et frappèrent sur leurs boucliers à leur tour.
Une flèche se brisa sur la pierre aux pieds de Haraldr. Il se retourna et défia les archers, attendant pour donner le signal le début de la diversion sur la porte de Chalké. Une autre flèche vola. Haraldr regarda le ciel en train de prendre des couleurs derrière les archers, tout en haut du stade. Un instant plus tard, le cerf-volant rouge en forme de dragon s’éleva dans les lueurs roses. Avant même que Haraldr ne se retourne pour lancer l’ordre d’attaquer à ses propres forces, il vit que les archers de la Taghmata impériale quittaient le mur de l’Hippodrome pour faire face à ce qui semblait une attaque beaucoup plus imminente : la menace d’artisans bien armés à la porte de Chalké. Haraldr fit signe à l’Étoile bleue de lancer son assaut. Puis il tendit son épée vers le ciel.
— Vengeance !
Sous la protection de son bouclier, ses hommes hurlant dans son dos, Haraldr monta rapidement les gradins. Bientôt les échelles de siège le dépassèrent.
— Mettez les échelles en place, cria-t-il quand ils arrivèrent en haut du stade.
Des javelots s’abattirent contre les boucliers et projetèrent des étincelles en glissant sur les bancs de pierre. Les hommes de Mar lançaient des obscénités en même temps que leurs épieux. Haraldr regarda les visages hurlants sur le balcon et compta les hommes qui le précéderaient au Walhalla.
Cinq lourdes échelles de bois s’élevèrent presque à l’unisson, puis se penchèrent vers la balustrade de marbre de la loge impériale. Dès que les extrémités se posèrent, les hommes de Haraldr bondirent sur les échelons du bas pour résister de tout leur poids aux tentatives de les faire basculer. Les plus audacieux se mirent à grimper. Les hommes de Mar attendaient, l’épée haute, l’œil en feu, grinçant des dents. Certains, de leurs pattes d’ours, faisaient signe aux assaillants de se hâter.
Les hommes de Haraldr montaient : en tête, un homme armé d’une lance suivi par un archer, alors que ces armes ne semblaient pas devoir être utiles dans le combat rapproché qu’ils livreraient une fois arrivés dans la loge. Les lances précédaient les hommes, et les soldats de Mar s’amusèrent à les écarter ; l’un d’eux saisit une hampe, lui donna une violente secousse et envoya plonger sur les gradins l’homme qui la brandissait. Presque comme s’il s’agissait d’un
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