Byzance
battaient.
— Vous saviez que ce moment devait venir, reprit-il avec un ricanement. Je vous ai toujours méprisé. Vous êtes faible et stupide.
Haraldr comprit aussitôt la stratégie de Mar. Il avait sacrifié ses meilleurs hommes, et son honneur, pour épuiser Haraldr alors qu’il réservait ses forces pour leur combat singulier.
Halldor passa soudain devant Haraldr et frappa Mar sur la poitrine du plat de la main.
— Je vais te régler ton compte, Hunrodarson. Je n’ai pas peur de ton bras tant vanté. Tu n’es qu’un lâche.
Mar ne répondit à cette provocation que par un sourire.
— On dirait que c’est ton prince Haraldr, le lâche.
— Il a été empoisonné, ligoté et fouetté au Néorion, cria Halldor de façon que tout le monde l’entende. Et il s’est battu toute la matinée alors que tu n’as jamais su que ramper dans la boue. Il n’y a aucune honte à ce que je me porte son champion, lança Halldor en poussant de nouveau Mar de la main. Je n’ai pas besoin de la faveur d’Odin pour te tuer, Hunrodarson.
Mar secoua la tête et éclata de rire.
— Il aura envie de me combattre lui-même quand il apprendra que j’ai baisé sa femme.
Haraldr releva brusquement la tête, livide.
— Tu ne me crois pas ? lança Mar. Alors je vais te décrire la morsure sur ses seins. Elle m’a supplié, petit prince. Pose-lui la question, elle te répondra. Elle m’a supplié.
Mar tendit l’index vers Haraldr et ricana avec mépris.
— Et il veut faire de cette femme la reine de Norvège ! Mais ce n’est que ma pute.
Haraldr refusa de baisser les yeux. S’il lui était donné de revoir Maria, il lui pardonnerait même mille amants. Mais il ne pourrait pas se pardonner lui-même de céder au défi de Mar. S’il était seulement Haraldr Nordbrikt, peut-être. Mais Haraldr Sigurdarson, roi de Norvège, ne pouvait pas éviter ce combat, pas plus qu’Olaf ne pouvait fuir à Stiklestad. Et pour la première fois en toutes ces années de rêves et de désirs, il comprit ce que c’était que d’être roi : toujours devant, toujours le premier à accepter la conséquence d’une décision – surtout en cas d’erreur, que ce soit la sienne ou celle de ses hommes. Un roi doit être le seul homme au monde qui puisse dire à son peuple : « Je me considère comme responsable. De mon honneur et du vôtre. Toujours. Pas seulement quand c’est facile. »
— Mar, tu es un homme mesquin, répondit Haraldr à mi-voix. Les armes que je choisis sont une épée, un bouclier, sans remplacement.
Halldor se tourna vers Haraldr.
— Non ! C’est inutile. Vous avez déjà gagné. Recommençons le combat jusqu’à ce que nous les ayons tous massacrés.
Haraldr secoua la tête.
— Il faut que je le fasse. Je crains de fuir de nouveau plus que je ne crains la mort. Je dois cela aux hommes qui se sont montrés assez braves pour suivre Haraldr Nordbrikt.
Ulfr s’avança et fit signe à Halldor. Halldor refusa de bouger. Haraldr le prit par les épaules et regarda ses deux compagnons fidèles.
— La dernière fois que vous avez été mes seconds pour un combat singulier, je me battais pour le droit de prendre la tête de cinq cents hommes. Aujourd’hui, il faut que je me batte pour le droit de régner sur la Norvège.
Halldor s’écarta enfin, les yeux pleins de larmes. Puis il se retourna et lança à tous les Varègues, de sa voix impassible, une déclaration implacable :
— Qui prétend que Haraldr Sigurdarson est un lâche en a menti.
Mar dégaina sa magnifique épée ciselée et l’examina au soleil. Puis il la fit claquer contre son bouclier et Haraldr se retourna pour l’affronter. Haraldr savait qu’avec le peu de forces qu’il lui restait, il ne serait capable que de lancer un seul assaut sauvage. Il s’avança sans préliminaires et fit voler le bouclier de Mar en éclats au milieu d’une tempête d’acclamations. Mar contra habilement, et quelques instants plus tard Haraldr dut jeter l’armature de son propre bouclier, devenu inutile. L’affrontement des lames d’acier vida très vite de leur force ses épaules épuisées, mais Mar demeurait incapable de le dominer. Haraldr ne comptait sur aucune faveur d’Odin, mais il remercia le dieu borgne d’avoir retiré ses faveurs à son adversaire.
Haraldr permit à Mar de le repousser sans cesse ; en battant en retraite en cercle, il espérait le fatiguer. Enfin Haraldr rompit, se retourna et bondit sur la
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