Byzance

femme. Elle m’enchaînerait de désir. J’en oublierais tout le reste. Mais comme je vous l’ai dit…
    — Non, non. C’est excellent. Je veux seulement que vous me fassiez une promesse.
    Halldor acquiesça sans réserve.
    — Rien ne peut nous empêcher d’arracher le trône de Norvège au roi Sven, dit Haraldr. Avec mon argent et nos hommes liges, rien ne pourra s’y opposer. Même pas ma mort. S’il m’arrivait d’être tué en essayant de remonter sur mon trône, il vous faudra régner à ma place, avec Ulfr. Tous deux ensemble, ou bien un dans le Nord et l’autre dans le Sud, comme au temps de mon père. Peu importe.
    — Il n’y a aucune raison pour que vous…
    — Voici la promesse que je désire obtenir de vous, coupa Haraldr. Si je meurs, vous épouserez Maria et l’aimerez pour moi.
    — Je veux bien promettre, mais je ne vois pas…
    — Faites-en le serment.
    Halldor haussa les épaules.
    — J’espère que jamais les circonstances ne me contraindront à tenir cette promesse, mais si j’y suis contraint, ce ne sera guère difficile. Je le jure sur mon honneur d’homme du Nord.
    Haraldr embrassa Halldor, plus surpris que jamais.
    — Merci, mon ami. Maintenant, je suis libre de partir.
    — Je ne me rendais pas compte que je possédais vraiment si peu de chose, dit Maria. Comme j’ai grandi dans le Palais, je supposais simplement que tout était à moi. Je m’aperçois maintenant que tous mes biens tiennent dans ces deux coffres de robes et de bijoux.
    Les portefaix d’Argyros soulevèrent les deux grands coffres de bois et les emportèrent dans la cour. Haraldr prit Maria par la taille.
    — Dans six mois, vous posséderez la Norvège. Dans dix-huit mois, vous tiendrez un prince de Norvège contre votre sein.
    Maria se retourna et posa ses mains à plat sur la poitrine de Haraldr.
    — Êtes-vous certain que vous me désirerez encore quand vous aurez revu les vierges blondes de Thulé ? Quand mes seins et mon ventre ballotteront après l’accouchement ?
    — Absolument certain. Qui d’autre m’aimera quand je deviendrai gros à force de vider des outres de bière ? Le roi de Norvège doit lever le coude avec les hommes de sa cour presque toutes les nuits. Olaf ressemblait à une vache pleine. On l’appelait même Olaf le Gros. Et il faudra que vous dormiez avec ça.
    Maria glissa la main derrière la ceinture de Haraldr et lui mordit la poitrine, en tirant la robe de soie entre ses dents.
    — Chaque nuit, quand vous vous serez épuisé avec vos courtisans, vous vous épuiserez si bien dans mon lit que vous resterez maigre comme une grue affamée.
    — J’ai survécu jusqu’ici sans diminution notable de mon embonpoint.
    Dans l’angle de la pièce, la clepsydre de bronze sonna l’heure. Maria repoussa Haraldr et son front se plissa.
    — Il faut que je le fasse, dit-elle. Vous le comprenez.
    — Comment ne le comprendrais-je pas ? Au contraire, cela me soulage. Tous les problèmes seront résolus. Je suis certain que Zoé a refusé à cause de nos relations passées et parce qu’elle est délaissée en ce moment. En face de vous, son attitude sera différente. Elle voudra probablement nous escorter avec Théodora jusqu’à sa villa.
    — Je désire seulement lui faire comprendre, répondit Maria avec un sourire triste. Je veux lui montrer qu’elle m’a aidée à sa manière à trouver le bonheur que je possède à présent, et lui demander de partager ma joie.
    — Mais si vous partez contre ses désirs, ne serez-vous pas torturée par la culpabilité ?
    — Je me sentirai coupable, mais cela ne me torturera pas. Jamais elle ne s’est sentie coupable quand elle m’a abandonnée pour l’amour de ses hommes. Elle s’est toujours montrée égoïste en amour, et c’est la raison pour laquelle la somme de ses amours est en définitive si médiocre. Comme la somme de mes amours avant notre rencontre.
    Haraldr regarda longuement les merveilleux yeux bleus de Maria.
    — Ma chérie, avez-vous jamais envisagé qu’il y ait un lien de sang entre vous et Leurs Majestés impériales ? Je crois que ce lien existe, et Zoé essaiera sans doute de l’utiliser pour vous retenir ici.
    — Mais n’êtes-vous pas au courant ? lança-t-elle avec une surprise enfantine. Ne vous l’ai-je jamais dit ? Ma mère était leur cousine. Une cousine lointaine. On ne fait jamais allusion à cette parenté parce que le scandale qui a ruiné mes parents pourrait