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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Chaban : où qu’il soit, à peine arrivé, il regarde sa montre et cherche une porte de sortie. Attitude qui exaspère les députés de la majorité, qui se croient – et se savent – mal considérés, ce qui attire de façon générale l’antipathie des médiocres.
    « Aucun président de l’Assemblée nationale, dit Baumel, faisant allusion au poste occupé précédemment par Chaban-Delmas 12 , ne s’est promené aussi peu que lui dans les couloirs. »
    Lui aussi fait écho au malaise général du gouvernement.
    Du seul gouvernement. Parce que, quoi qu’ils en disent tous du côté de l’Élysée, l’opinion française est très satisfaite : deux Français sur trois apprécient son action.
    Un chiffre avec lequel Pompidou doit compter.

    Vu François Mitterrand. Lequel revient d’Hossegor et a perdu quelques kilos, comme toujours lorsqu’il prend le temps de se reposer. Il écrit avec difficulté, me dit-il, son livre sur de Gaulle. Résigné à se taire, puisque, comme il me dit : « Il n’y a pas d’actes importants à faire quand les circonstances elles-mêmes ne sont pas importantes. »
    Il ne croit pas possible la tactique communiste de l’unité de la gauche dans les villes de plus de 30 000 habitants. Il croit possible, en revanche, que les communistes refusent de se désister au second tour pour des listes socialo-centristes.
    Tout compte fait, il n’aime pas Jean-Jacques Servan-Schreiber. Son irritation quand il en parle. Cette volonté d’en faire un pion parmi d’autres, capable de travailler à ébranler le régime, pas d’en être le démolisseur unique. Un touriste, quoi, dans la vie politique.
    Pour lui, Servan-Schreiber n’est pas un homme de gauche. Quand je lui dis : « Mais son électorat ? », il éclate : « Moi aussi, j’ai 5 000 voix de droite dans ma circonscription. On n’en dit pas pour autant que je suis l’élu de la droite dans la Nièvre ! »

    30 juillet
    Déjeuner avec Valéry Giscard d’Estaing au ministère des Finances.
    Avec bonne grâce, il parle de politique économique, de la dévaluation de 1969 qui non seulement a réussi, mais est aujourd’hui terminée.
    Il refuse catégoriquement de parler politique. Sans doute parce que, comme Mitterrand, il préfère attendre que les événements se décantent. Et savoir où vont et ce que sont les vrais « réformateurs ».
    S’ajoute à cette prudence le poids de la solidarité ministérielle.
    Pendant le déjeuner, Irène Allier, qui m’accompagne, expédie une côtelette d’agneau sur la moquette. Quant à moi, je fais une énorme tache de vin sur la nappe et je m’évertue, pendant tout le temps que dure le déjeuner, à la cacher sous les assiettes.
    L’idée qu’il doit se dire que, vraiment, nous ne savons pas nous comporter « dans le monde », manque un instant de nous faire piquer un fou-rire. Nous nous contenons pendant que les autres convives – Ivan Levaï est des nôtres – nous font les gros yeux.
    Au fond, la conversation la plus intéressante, nous l’avons eue sur le pas de la porte, entrebâillée par l’huissier, debout de biais. Giscard compte bien, dès l’automne, aborder les problèmes politiques. Ne pas se laisser enfermer dans l’image réactionnaire que les récentes décisions sur la Sécurité sociale lui ont donnée. « La réforme, dit-il, ce n’est pas l’article d’un texte que l’on change. C’est un changement, tout simplement. L’augmentation de 60 % des investissements, ça, c’est une réforme. La réforme, ce n’est pas une idée, c’est une réalité. » D’où l’importance qu’il attache au mot de « réformateur ». « On verra bien, nous dit-il au moment où nous partons, qui sont les vrais réformateurs ! »
    Allusion à Jean-Jacques Servan-Schreiber, évidemment : il ne décolère pas de s’être fait souffler le mot « réformateur » par son copain de jeunesse.

    Début septembre
    Tonnerre dans un ciel serein. Jean-Jacques Servan-Schreiber, à peine élu à Nancy, est candidat à Bordeaux ! À la suite d’un suspense qu’il a déclenché unilatéralement en se fichant de tous les conseils prodigués par ses proches. En tentant à plusieurs reprises de « rouler » Mitterrand, ce qu’il est d’ailleurs parvenu finalement à faire (voir ci-après le compte rendu de ma conversation avec Claude Estier).
    Fous de rage, les socialistes locaux ont abandonné la partie. À l’inverse, le

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