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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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rester ? Une forte proportion semble se dessiner en faveur d’un départ. Du coup, la direction propose la nomination de commissions qui établiront un bilan général sur les conditions de fonctionnement des municipalités où le PSU est représenté. C’est une façon de noyer le poisson.
• Quatrième terrain de lutte entre minorité et majorité du parti : le terrain syndical. Une petite minorité est favorable à la lutte contre les organismes syndicaux tels qu’ils sont. Mais une très large majorité reste favorable à la présence des militants PSU dans les syndicats.
    Comment, dans cette bagarre générale, le texte final a été adopté, je ne saurais le dire, et je suis sûre de n’avoir pas tout compris du déluge de mots que j’ai entendu pendant ces trois jours, mais jetrouve en toute modestie que ma tentative de synthèse d’un conseil national du PSU est admirable !

    27 janvier
    Déjeuné avec Paul Granet 5 , fatigué, déprimé. Surtout parce que, d’un coup, il craint que l’évolution de l’UDR ne l’exclue définitivement de ses rangs. Il sait bien qu’il n’a rien à faire aux côtés de Jacques Chirac. Qu’Edgar Faure, dont il se réclame, n’est plus « dans le vent ». Bref, il voit s’évanouir les chances du gaullisme de gauche et reproche à Edgar Faure, à Paul-Marie de la Gorce – et à lui-même – de n’avoir pas su l’organiser. Il meurt d’ennui politique dans sa province, avoue prendre le train pour s’y rendre avec crispation, considère que le moment est venu de tomber amoureux, et affirme, comme Stendhal, que cela ne saurait tarder.

    Coup de téléphone de Jean Lecanuet, vers minuit. Je lui apprends que les socialistes ont conclu un accord municipal avec les communistes à Rouen. Il commence par ne pas y croire. Puis éclate, au téléphone, avec sa voix bien nette, ses propos crus, sans fard, sa clarté et sa gaîté : « Je m’en superfous, de leurs conneries, me dit-il, je suis convaincu que les conneries de l’UDR et les conneries de l’union de la gauche, tout cela va s’effondrer. Je suis un homme de la démocratie sociale, je l’ai toujours été, je ne vais pas changer maintenant ! »
    Deux raisons, m’explique-t-il, à son refus de prendre Roger Dusseaulx 6 sur sa liste. La première, c’est qu’un rapprochement avec Dusseaulx lui collerait une étiquette d’homme de droite, alors qu’il se sent centriste de toujours, et décidé à le rester. La deuxième, c’est qu’il est président de l’agglomération Rouen-Elbeuf, dans laquelle Rouen compte pour 130 000 habitants, le reste pour environ 300 000. Les maires des communes de Rouen-Elbeuf sont à gauche. Il aurait perdu leur appui en retenant Dusseaulx.
    « Je ne suis pas inquiet, conclut-il. De toute façon, 79 % desRouennais pensent que je suis un bon maire. Ils ne voteront pas tous pour moi, mais ça me suffit ! »
    Il me semble, à moi, que l’accord entre socialistes et communistes est précisément de nature à rendre plus difficile l’attitude des maires socialistes à son égard.
    Encore un mot sur Lecanuet : sans doute est-ce le souvenir de sa campagne électorale de 1965 où il m’est apparu si propret et si beau : je ne m’attendais pas à l’entendre s’exprimer avec une si grande liberté ni une telle crudité. Il est celui de tous les hommes politiques qui s’expriment avec le plus de naturel dans un langage volontairement populaire. Il est tout sauf mou, peu structuré, hésitant, ainsi que l’on caricature les centristes. Mais n’est-ce pas moi qui, justement, ai tendance à les caricaturer ? Il est en tout cas un démenti vivant à mes préventions contre les centristes.

    28 janvier
    Vu Serge Mallet, du PSU. Il fixe deux objectifs, lui, au PSU. Le premier : socialiser les secteurs développés de l’industrie ; c’est le socialisme des couches nouvelles, celui qui était le sien à Alfortville en 1962. Le second : élargir le socialisme à un deuxième courant, celui du sous-développement, de la France pauvre : « Les maos, m’explique-t-il avec patience, comme si je ne comprenais vraiment rien au mouvement gauchiste, se recrutent parmi les paysans qui sont obligés de quitter la campagne et de devenir ouvriers dans les villes, par exemple. Il y a tout un secteur que le PC ne peut pas récupérer, dont il ne s’occupe pas. C’est à nous de le faire. »
    C’est le seul discours cohérent que j’aie entendu tenir au PSU.

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