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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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L’embouteillage est complet. À 13 heures, la liaison avec Paris est établie. Robert Namias commence l’émission. Elle est aussitôt interrompue.
    Que faire ? Je suis consciente du drame que constitue, pour l’antenne, cet épouvantable ratage. J’avais prévu, avant de partir pour Berlin, un programme de remplacement qui n’a bien sûr rien à voir avec l’Allemagne. Je décide néanmoins, en communiquant par signes avec Namias, de continuer le débat et de l’enregistrer dans le but de le diffuser par la suite, dans la soirée.
    Beaucoup d’émotion passe dans l’émission. Celle de Simone Veil qui garde vis-à-vis des Allemands un sentiment ambigu : victime des nazis pendant la guerre, elle a été la première à retourner, en 1950, dans l’Allemagne d’après guerre, à Wiesbaden où son jeune mari, Antoine, était en poste 30 . Elle est profondément européenne, violemment anticommuniste : la réunification de l’Allemagne la bouleverse, parce que, comme nous tous, elle n’espérait pas voir le Mur tomber, surtout dans ces conditions, sans guerre entre l’Est et l’Ouest.
    Pour Claude Cheysson, européen également, l’émotion est plus géopolitique, si j’ose dire : il voit tout de suite que la face du monde a changé, que rien, en Europe, ne sera jamais plus comme avant. Il imagine les contours que prendra à partir de maintenant la nouvelle Europe, les conséquences pour la Russie de Gorbatchev.
    L’enregistrement est en cours lorsqu’on me passe Patrick Le Lay au téléphone. Je commence par m’excuser, mais me voici submergée par une masse de reproches qui se change rapidement en torrent d’injures. Il a raison, sur le fond. S’il était là, pourtant, il verrait les centaines de cars-régie parqués à quelques mètres les uns des autres, les difficultés que rencontrent les techniciens de l’UER pour assurer les liaisons, l’agitation de la foule et des journalistes du monde entier, sous l’œil ahuri des militaires et des citoyens venus de l’Est qui ont franchi pour la première fois la frontière.
    Bref, ce soir, j’ai démissionné. On verra lundi. L’émission a étédiffusée dans la soirée : c’est déjà une prouesse d’avoir pu le faire. Ce qui n’empêche pas le ratage d’en être un.

    Dimanche matin
    Spectacle stupéfiant dans les magasins de Berlin-Ouest restés ouverts ce matin : par grappes, les Berlinois de l’Est sont passés à l’Ouest ; ils regardent, stupéfaits, l’abondance des supermarchés, la richesse des étals, la profusion des fruits et légumes.
    Nous avons tous le cœur serré en reprenant l’avion.
    D’autant qu’une autre partie nous attend, Namias et moi, avec Patrick Le Lay.

    Mardi
    J’aurais bien voulu l’y voir, Le Lay, avec sa grande gueule, à Berlin, samedi ! On aurait vu s’il avait pu, lui, rétablir la liaison avec Paris !
    Tout cela s’est terminé par la démission – suivie, elle, d’un départ – de Jean-Claude Paris.
    Encore un mot sur cet épisode qui comptera dans ma vie professionnelle. J’ai laissé partir Paris avec lequel j’ai travaillé sans compter depuis deux ans et demi, qui m’a appris, autant que faire se pouvait, la technique de l’audiovisuel, que je ne maîtrisais pas et ne maîtrise toujours qu’à demi. Ne souhaitant pas que je parte, Le Lay l’a finalement désigné comme le coupable, parce qu’il aurait dû, depuis Cognacq-Jay, suivre les problèmes techniques de plus près qu’il ne l’a fait. C’est à la fois vrai et faux. Jean-Claude Paris m’avait mise en garde contre la faisabilité d’un direct d’une heure depuis Berlin au moment où les pays du monde entier se disputeraient l’antenne. J’aurais dû refuser qu’il joue les boucs émissaires, me solidariser avec lui. C’est Jean-Claude lui-même qui m’en a empêchée. Il m’a expliqué qu’il en avait marre de TF1, qu’il avait assez d’amis à Canal+ pour ne pas être gêné dans sa carrière. Que moi, en revanche, j’allais être en difficulté. Lâchement, je l’ai laissé proposer sa démission à ma place.
    Je n’en suis pas fière, ce soir.
    Jean-Claude Paris et moi sommes de toute manière convaincus d’une chose : mes jours sont comptés. Si Le Lay et moi sommes retombés dans les bras l’un de l’autre après la conversation de samedi,son coup de téléphone à Berlin, son ton injurieux, sa vaine colère ne présagent rien de bon pour la suite. D’autant que, Paris parti, je

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