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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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qu’est-ce qu’il fait là-dedans ? Il en fait le moins possible. Les rocardiens se sont placés dans un rôle d’observateurs en affirmant – et c’est vrai – qu’ils tiennent à rester en dehors de ces imbroglios. Une seule chose est certaine : c’est que Michel Rocard ne veut pas laisser le Parti à Fabius. Il est donc, qu’il le clame ou le taise, favorable à Mauroy.
    D’ailleurs, Pierre Mauroy n’a aucune envie de quitter la direction du Parti : « J’ai été élu au premier secrétariat contre Mitterrand : si celui-ci me demande aujourd’hui de me retirer pour laisser la place à Laurent Fabius, je dirai non ! » me confie-t-il au téléphone, malheureux comme les pierres à l’idée que le parti dont il assume la direction arrive tout cabossé au congrès de Rennes. Il reste pourtant optimiste sur son issue : il pense qu’il parviendra à réaliser la synthèse entre les différents courants. Je pense qu’il y arrivera : après tout, Jospin + Mauroy + Rocard (même si celui-ci est contraint de rester prudent), cela doit bien faire une majorité !
    Quant au Président, il est carrément partie prenante dans le futur congrès : il a reçu Laurent Fabius le 8 mars à 15 h 30 après avoir vu Pierre Mauroy le mardi 6. Pour corser les choses, la polémique s’est immédiatement engagée sur ce qu’a dit Mitterrand aux deux protagonistes principaux du congrès. L’entourage de Mauroy a fait savoir que François Mitterrand était partisan du maintien de celui-ci à la tête du Parti, ce que l’intéressé n’a voulu ni confirmer ni infirmer. Vives protestations des amis de Laurent Fabius, du genre : « Mauroy et les siens veulent donner le sentiment qu’ils ont gagné le congrès après l’avoir perdu ! » Ou encore : « La motion Mauroy-Jospin a perdu, mais essaie de gagner en faisant de la désinformation. Il estclair qu’on ne choisira pas un premier secrétaire sur la liste qui a perdu ! »
    Clair, effectivement, ça l’est !

    Samedi 17 au matin (notes prises sur des feuillets séparés au fil des heures)
    La commission des résolutions s’est réunie hier soir. Tous les auteurs de motions ont retiré leur texte. Michel Rocard, qui a rencontré Mitterrand avant de partir pour Rennes, insiste pour que le texte Mauroy-Jospin-Chevènement, pourtant arrivé en tête, ne serve pas de base à la discussion générale.
    Il rencontre l’appui de Louis Mermaz, lui aussi sans doute dûment chapitré par Mitterrand, et celui de Claude Estier, qui, selon son expression, ne veut pas que « Mauroy soit enfermé dans une seringue avec Chevènement ».
    Je viens de rencontrer Jean Poperen, qui s’est finalement allié à Laurent Fabius (je ne sais ni pourquoi, ni sur quoi). Il m’a dit que, du coup, la voie est maintenant déblayée pour la synthèse, à la condition que Pierre Mauroy abandonne le secrétariat du Parti. Je note, quoiqu’il m’assure du contraire, que Jean Poperen serait bien candidat à ce poste s’il apparaissait que la nomination de Fabius crée trop de problèmes et de remous.
    De fait, il apparaît que Mauroy n’est soutenu positivement par personne :
    – ni, naturellement, par Laurent Fabius et Jean Poperen ;
    – ni, finalement, par Mermaz et Estier, qui ont trouvé (ou font mine de trouver) que le texte additif de Jean-Pierre Chevènement à la motion Mauroy allait trop loin ;
    – ni même par Michel Rocard à qui, me dit André Laigniel, le président de la République a dit ce matin, en le regardant au fond des yeux, que « le Premier ministre devait jouer son rôle, mais pas plus que son rôle ». Rocard a conclu de cette consigne, mitterrandienne s’il en est, qu’il lui fallait pour le moment ne pas pousser l’un ou l’autre des combattants.
    Je pose la question directement à Pierre Mauroy dans les coulisses du congrès : quelle est sa marge de manœuvre ? Va-t-il, comme on le lui demande avec insistance, abandonner le secrétariat du Parti ? Réponse claire de Mauroy : « Je ferai tout pour sauver l’union etassurer la synthèse. » Il ajoute quelques secondes plus tard : « Je ferai tout, certes, mais pas hara-kiri ! » Formule dont je conclus qu’il mettra tout en œuvre pour empêcher que Fabius arrive aux commandes de la rue de Solferino 11 .
    Je tombe sur Chevènement qui arpente lui aussi les travées de l’immense salle où se tient le congrès. Toujours amateur de formules, il stigmatise ce qui se

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