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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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avaient besoin du soutien du président de la République avant 1986.
    Je soupçonne Hervé Bourges d’avoir choisi, parmi les repreneurs éventuels, son groupe préféré. Là encore, c’est Bouygues qui a été le plus astucieux : au lieu de tenir Bourges à l’écart, ce que fait Lagardère, il est très vite entré en contact avec lui, lui a demandé ses avis, a sollicité ses conseils. Du coup, le dossier monté par le groupe Bouygues doit être plus proche de la réalité de ce qu’est TF1 aujourd’hui, donc était censé être plus convaincant auprès de la CNCL.Apparemment, ce n’est pas le cas... toujours si je me fie à ma dernière soirée au ministère des Finances !
    Les auditions publiques ont eu lieu aujourd’hui. Je ne les ai qu’à peine regardées, bien que TF1 en ait assuré la retransmission. J’ai eu le temps de voir, derrière le groupe de Lagardère, Mougeotte, Ockrent, Lagardère, Sabouret – et le visage de Claude Durand, le président de Fayard, dont la présence a sans doute été requise par Lagardère lui-même. Christine disserte sur l’information, Mougeotte sur les programmes. Puis est venu Bouygues, incroyablement rassurant, parlant de sa famille, de ses petits-enfants, des responsabilités morales qu’il a vis-à-vis d’eux. Patrick Le Lay, après lui, a abordé le problème, à vrai dire flou, du « mieux-disant culturel », expression forgée par Léotard et qui a pour but, je suppose, de forcer TF1 à accorder plus de place aux émissions culturelles.
    Quant à Bernard Tapie, qui participait lui aussi au casting, il a été sublime en parlant des programmes. Il est même allé jusqu’à promettre le retour d’« Au théâtre ce soir », faisant ainsi les délices de Pierre Sabbagh, un des neuf sages de la CNCL à qui revient le choix du groupe qui conduira le destin de TF1 privatisé 21 .
     
    J’écris ces lignes de Lille où je viens d’arriver : le cirque autour de TF1 ne me fait pas oublier que le congrès du PS a commencé dans l’après-midi. Elkabbach m’a fait savoir que je n’avais rien à y faire, puisque je n’étais plus en charge d’un éditorial politique. Mais il n’est pas né celui qui croit pouvoir m’interdire de suivre un congrès politique ! Personne ne peut m’empêcher, après un dîner à Neuilly chez René Thomas 22 et Laurence Soudet, de prendre la direction de Lille à bord de ma petite auto. Soit dit en passant, René a raconté pendant le dîner des tas de choses drôles sur la façon dont il avait été obligé, à son corps défendant, d’entrer dans le tour de table de Hachette-Lagardère. Au tout dernier moment, Lagardère a dû, à la demande de Matignon ou des Finances, je ne sais, refuser les 7 % de l’Australien Rupert Murdoch. Du coup, panique dans le camp Lagardère ! C’est alors qu’un proche collaborateur de Chirac – RenéThomas ne dit pas son nom – lui a téléphoné, à la BNP 23 , pour qu’il prenne la place laissée vacante par Murdoch et participe au tour de table Lagardère. Il juge que cela pourrait d’ailleurs revenir en boomerang sur Lagardère, car – tout le monde semble l’avoir oublié – c’est René Thomas qui a procédé, dans l’objectif de la privatisation, à la première évaluation de TF1 !
    À minuit, je dis au revoir et prend l’autoroute de Lille. Les services du congrès m’ont réservé une chambre dans un hôtel proche de la Grand-Place.

    4 avril
    Comme j’étais arrivée tard à Lille, je ne me suis rendue au congrès, au Palais des expositions, que vers 13 h 30. À cette heure-là, plus personne dans les travées, évidemment. Puis les congressistes reviennent les uns après les autres. Pendant que la séance recommence, une rumeur recouvre les premières paroles des orateurs. Elle vient, comme une vague, des sièges occupés par la presse. Je n’y ai pas encore pris place que j’entends : TF1 a été attribué à Francis Bouygues. Bouygues a TF1 ! Du coup, le congrès s’empare de la nouvelle, chacun condamnant la privatisation. Moi, pour une fois, je me tais, même et surtout quand confrères et congressistes, qui n’ont pas oublié la Haute Autorité, se tournent vers moi pour solliciter un avis négatif.
    La situation devient vite impossible. Je ne veux pas me déjuger, en quelque sorte, puisque j’appartenais à ceux qui avaient pensé depuis le début que si le gouvernement tenait absolument à privatiser une chaîne, il valait mieux

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