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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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le 15 janvier dernier : être sur le terrain, comme il l’a toujours été. « Autrefois, leur a-t-il dit fort justement, il fallait parler. Aujourd’hui, il faut écouter. »
    Écouter, c’est donc ce qu’il a fait. On l’a vu au lycée de Bressuire, dans une classe, posant avec une fillette, visitant un atelier du groupe automobile Heuliez. Il a rencontré, veste ouverte, mains dans les poches, des agriculteurs, des syndicalistes plus ou moins bien disposés à son égard. Il a écouté, écouté, écouté encore.
    Non, il n’a pas passé trois longues journées en province pour seulement se faire plaisir. Il l’a fait d’abord pour montrer qu’il a vu, à la fin de l’année dernière, les Français en crise. Il est resté silencieux jusqu’au 31 décembre au soir, laissant Alain Juppé en première ligne. Il connaît cependant mieux que personne les causes de leur malaise. Il sait bien ce qu’il a promis et ce qu’il a tenu. Il lui faut, selon sa formule, « se tourner davantage vers les Français que vers le pouvoir ».
    S’il a pris la décision de s’en aller lui-même à la rencontre des Poitevins, c’est surtout qu’il mesure, sans le dire, évidemment, lafragilité du Premier ministre, lequel se ferait peut-être lancer des tomates s’il allait en ce moment serrer la main des ouvriers. Alors il y va lui-même pour retrouver la proximité avec ceux qui l’ont élu et qui l’ont peut-être trop cru.
    Au cours du dîner donné en son honneur à la préfecture, Chirac a rencontré la jeune député socialiste des Deux-Sèvres, Ségolène Royal, ancien secrétaire d’État dans le gouvernement Bérégovoy en 1993, celle-là même qu’à l’occasion du dernier Conseil des ministres du gouvernement socialiste Mitterrand avait gentiment consolée devant les caméras de télévision. Il lui avait dit, autant que les paroles avaient pu être décryptées, une phrase comme : « Votre tour viendra », ou quelque chose d’approchant. De quoi a-t-elle parlé avec bonne humeur à Chirac, pendant ce dîner ? Elle lui a rappelé – m’a raconté son compagnon, François Hollande, porte-parole du PS – qu’en 1992, le président UDF du conseil général avait boycotté, lui, la visite de Mitterrand. Ce qu’elle n’a pas fait, hier.
    28 janvier
    L’essai nucléaire auquel la France vient de procéder dans le Pacifique, Jacques Chirac lui-même l’a annoncé tout à l’heure, est le dernier. Il était temps : les six essais auxquels la France a procédé depuis l’été 1995 ont davantage empoisonné le climat des premiers mois du septennat que les précédents ne l’avaient fait pour ses prédécesseurs 11 . Les temps changent : l’opinion publique a pris Chirac pour cible bien plus qu’elle n’avait manifesté son mécontentement à l’égard du général de Gaulle, de Georges Pompidou, de Valéry Giscard d’Estaing et de Mitterrand. Le nombre des Français hostiles aux expériences nucléaires a augmenté considérablement ces dernières années, et ce sont les jeunes, surtout, ceux dont Chirac veut attirer les suffrages, qui ont été les premiers à condamner l’abandon du moratoire nucléaire.
    À l’extérieur de la France, les pays concernés ont exprimé une mauvaise humeur encore plus affichée. La France a été conspuée en Australie et en Nouvelle-Zélande, ses vins ont été boudés par les Japonais, les Américains ont froncé le sourcil, les représentants italiens à l’ONU ont laissé tomber la solidarité européenne pour déplorer les explosions françaises.
    Mais, au fond, malgré tout cela, on retiendra sans doute que le bilan est loin d’être négatif. D’abord, et c’est naturellement le plus important, parce que Chirac a parfaitement réussi sa démonstration : il avait annoncé sa volonté de reprendre les essais tout le temps que ce serait nécessaire pour assurer la sécurité de la France, et pas au-delà. Il fait preuve à la fois de détermination, puisqu’il a repris les essais alors que l’opinion publique française était favorable à leur arrêt, et de souplesse : le sixième essai est le bon ; plus besoin, disent les techniciens, d’en faire d’autres. Chirac apparaît désormais comme un ardent défenseur du désarmement, et puis, subsidiairement, il a désormais le soutien indéfectible des militaires. Et ce, au moment où le gouvernement affirme vouloir rogner sur les crédits de la défense...
    Si je devais donner

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