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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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certes pas invités à un colloque balladurien.
    Je me fraie un chemin dans la salle au moment où Simone Veil vient de prendre la parole ; elle énumère les causes du désarroi français : chômage, mondialisation, menaces contre le socle des valeurs traditionnelles, surmédiatisation, et surtout « confusion trop grande du processus de décision à une époque où l’exigence de transparence est plus grande qu’elle ne l’a jamais été ».
    Comme souvent avec Simone Veil, le fond est en rapport avec la forme : elle ne fait pas de phrases, surtout pas d’effets de manches. Elle parle comme tout le monde, auréolée – le mot n’est pas trop fort – par son passé de déportée, confortée par ses expériences ministérielles. Lorsqu’elle termine son propos par un appel à la démocratisation de la politique, à la décentralisation, au renouvellement des élus, notamment par l’ouverture de la vie publique aux femmes et le non-cumul des mandats, les auditeurs présents lui font un triomphe. Sans doute parce qu’elle a parlé comme si elle était dans l’opposition en regrettant – sans le dire, évidemment – que Jacques Chirac soit à l’Élysée, et non pas Édouard Balladur.
    Le point commun entre Noisy-le-Grand et l’hôtel Nikko ? La même lecture de l’enquête de Libération , sortie ce matin, sur l’impact, nul, de la prestation télévisée de Jacques Chirac. À Noisy, on était épanoui, convaincu de l’imminence de l’arrivée au pouvoir de la gauche. Au Nikko, on était faussement navré de la contre-performance de Chirac. Dans les deux salles, la même impatience, cependant : prendre sa place.
    29 décembre
    Je lis avec surprise le livre d’Alain Juppé que je viens de recevoir. Je connaissais seulement le titre qu’il avait choisi, un peu intimiste 48 , certes, mais, après tout, pourquoi pas ? Surprise, parce qu’il s’agit, par le ton, le rythme, d’une élégie, d’une sorte de longue plainte surl’incompréhension qu’il suscite chez les Français, chez les journalistes qui l’avaient pourtant encensé quand il était au Quai d’Orsay. Une sorte de confession, mi-personnelle, mi-politique, sur ses erreurs, sa responsabilité dans son affaire d’appartement de la rue Jacob, par exemple, son côté cassant qui, oui, il en convient, peut passer pour de l’arrogance, son chagrin, presque, à l’idée d’être si mal compris de ceux qu’il voudrait persuader.
    J’exagère un peu. Il y a quelque chose de sympathique dans sa démarche, de presque juvénile, de novice en politique, en tout cas : son ambition n’est pas médiocre, écrit-il, il essaie d’en convaincre avec un brin de pathétique.
    Le problème est qu’il est Premier ministre, qu’on attend de lui qu’il conduise la politique de la France, et non pas qu’il s’interroge sur son identité. Trop d’introspection nuit à l’autorité. Même si, à la fin de son court essai, il fixe les grandes lignes de son action politique, ce qui reste, une fois le livre refermé, c’est l’image d’un homme blessé par la vie politique.
    Je n’imagine pas un instant Chirac écrivant un tel livre. Ni Mitterrand, d’ailleurs.

1997
    1 er  janvier
    Jacques Chirac rectifie le tir dans ses vœux aux Français. Il y a quinze jours, il a donné l’impression que la France lui pesait comme un boulet, que tous les conservatismes s’y retrouvaient. Au résultat des sondages, il a mesuré l’effet négatif de ces constatations 1 dans son électorat, lequel s’est demandé à quoi il servait de l’avoir élu ; et aussi parmi les électeurs de Jospin, s’étonnant que la France et les Français fassent l’objet de tant d’incompréhension.
    Hier soir, il a mis au contraire l’accent sur la vitalité de la France. La France n’est plus archaïque, elle se modernise. Les Français ne sont pas des veaux, ils se mobilisent. Armée de métier, et non plus service militaire obligatoire, protection sociale plus juste, pacte pour la ville, projet de loi contre l’exclusion, réforme de l’école et de l’université, économie performante et exportations florissantes, baisse des impôts – en dix minutes et cinquante-neuf secondes, un portrait optimiste de la France, avec ce bémol : la croissance a été trop faible cette année pour faire reculer le chômage. 1996 est mort, vive 1997, qui sera « l’année de l’emploi des jeunes » !
    Il était temps : il s’en est fallu de quelques

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