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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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minutes pour que le Président ne prononce pas le mot « chômage »...
    3 janvier
    Ma réaction au petit livre de Juppé était sans doute mauvaise : Entre nous est un succès de librairie, il est même en passe de devenir un best-seller. Alain Juppé n’a pas écrit ce livre pour des raisons politiques ou littéraires. Il l’a écrit et publié pour retrouver le cœur des Français. Il a eu raison, et moi tort. Il est vrai que je n’attends pas des hommes politiques qu’ils fassent leur mea culpa. Il suffit de voir la cote de popularité d’un leader monter en flèche lorsqu’il est malade, et encore plus à l’hôpital, pour penser que les Français n’aiment leurs dirigeants que lorsqu’ils souffrent. Dans le cas de Juppé, l’opération a été réussie. C’est moi qui ne comprends rien à l’art de la communication.
    6 janvier
    J’accompagne Philippe Séguin à Bruxelles où il s’en va prononcer dans le cadre des Grandes Conférences catholiques, association très huppée qui l’a invité, un discours sur la nation, l’Europe et la globalisation. Impressionnant de le voir reçu presque en chef de gouvernement dans la capitale européenne, lui qui a si fort combattu le traité de Maastricht ! Dès les premières minutes de son intervention, il avoue qu’il a souvent, lorsqu’il s’exprime à l’étranger, l’impression qu’on vient l’entendre « comme on va dans un parc zoologique ou à certains spectacles de foire... Il est vrai, plaide-t-il, que j’ai fait campagne contre le traité de Maastricht. Mais je n’ai jamais fait campagne contre l’Europe ».
    Je note quelques phrases dans ce discours très structuré de quarante-neuf pages où Séguin développe l’idée de l’Europe telle qu’il la perçoit : les nations ne sont pas un alibi pour le refus de l’Europe, elles sont le fondement de l’Europe, « les briques avec lesquelles se construit la maison... Sans identités nationales, il ne peut y avoir d’identité européenne » – et encore : « Au moment où nous sommes confrontés au défi de la mondialisation, elles sont encore le môle le plus sûr pour préserver notre spécificité et affirmer ensemble un modèle de société européenne. »
    Dans l’avion du retour, je lui demande – avec précaution, et en choisissant mes mots, car je me méfie de sa mauvaise humeur légendaire – si sa ligne politique a changé à propos de l’Europe, ou bien s’il s’agit d’une adaptation à la situation politique présente, en sommesi c’est à mettre en relation avec le fait que Chirac peut, du jour au lendemain, le nommer Premier ministre. Il s’explique : non, il n’est pas devenu favorable au traité européen ; oui, le traité a été voté par les Français ; un sens élémentaire de la démocratie l’oblige à en tenir compte ; non, il n’est pas motivé uniquement par la perspective de Matignon ; oui, il reste fidèle à ses convictions ; non, il ne cache pas ce qu’il pense au Président, même et surtout lorsqu’il n’est pas d’accord avec lui. Exemple ?
    « Chirac entretient des rapports inégalitaires avec les Allemands. Il pourrait très bien, s’il le voulait, appliquer le vrai texte du décret portant création de la Banque de France tel qu’il a été revu après son passage au Conseil constitutionnel. Il ne le fait pas, pour ne pas déplaire à Kohl.
    « La monnaie unique, poursuit-il, n’a de sens que si elle est gérée politiquement. Figurez-vous que je suis encore plus européen que les Européens : on peut gérer la monnaie unique pour la stabilité des prix, ou, mieux, pour la stabilité de l’emploi, ou, mieux encore, à la fois pour la stabilité des prix, la défense de l’emploi, et celle de la place de l’Europe dans le monde... »
    Sur les autres sujets politiques, notamment les futures élections de 1998, je ne le trouve pas très optimiste : « La majorité actuelle perdra, m’assure-t-il. Les Français ont envie de changer de tête. C’est la seule chose qu’ils peuvent changer. »
    Nous évoquons le succès du livre d’Alain Juppé. Il fait la moue : « Une communication, même bonne, n’a jamais réussi à se substituer à l’absence de discours politique. »
    10 janvier
    Je note, comme beaucoup, que le premier anniversaire de la mort de Mitterrand a été célébré par les socialistes de façon la plus discrète. En revanche, la famille de Mitterrand au grand complet, dans ses

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