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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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combat qu’il a dû mener, au cœur de la cohabitation, pour continuer les travaux du Grand Louvre malgré l’effort acharné d’Édouard Balladur – qui d’ailleurss’est abstenu, par mauvaise humeur, de venir à la manifestation d’aujourd’hui.
    Émile Biasini, éphémère président de l’ORTF qu’il a quittée après 1968 pour ne pas se livrer à une chasse aux sorcières, est un homme qui gagne à être connu, ne serait-ce que par l’énergie qu’il a mise à tracer sa route depuis que Mitterrand l’a nommé en 1982 président de l’établissement public du Grand Louvre. Il aura eu jusqu’à maintenant à triompher de tous les conservatismes, et aura été, sans le vouloir, pris pendant deux ans dans les remous de la cohabitation. Il rencontre très souvent Mitterrand. Par lui, Mitterrand, même s’il feint, devant les ministres de la cohabitation, d’être serein, n’ignore rien des retards que prend le chantier depuis que le ministre des Finances a refusé, en 1986, d’abandonner les salons Napoléon III de la rue de Rivoli, et de partir, comme les choses étaient prévues avant la victoire de Chirac, pour Bercy.
    Il en a vu de toutes les couleurs, Biasini, depuis 1986 ! Solide comme un menhir. Matignon lui a d’abord interdit de continuer les travaux sur l’aile Rivoli, là où se situent les bureaux de Balladur et de Juppé 9 . Puis un collectif de riverains s’est créé pour manifester son hostilité au projet. Biasini a organisé la réplique en créant le Comité de soutien au Grand Louvre, auquel j’ai adhéré avec enthousiasme après qu’il m’a raconté, non sans drôlerie, mais sans une once d’abattement, les innombrables bâtons qu’on mettait de tous côtés dans ses roues.
    Sur sa route, il n’a trouvé, du côté de la majorité, qu’un soutien, de taille : François Léotard, d’emblée séduit, comme d’ailleurs l’ensemble du milieu dit culturel, par le projet de plus grand musée d’Europe dont la construction avait été confiée – autre sujet de polémique – à l’architecte sino-américain Pei Ieoh Ming.
    Biasini, haut fonctionnaire pourtant peu enclin à la confidence, m’a raconté hier avec un plaisir inouï comment il n’avait cessé de louvoyer entre les uns et les autres pour poursuivre son projet, qui est avant tout celui de Mitterrand.
    Au début, Pei voulait construire la pyramide avec des parois de verre d’un seul tenant. Saint-Gobain n’est pas parvenu à créer un verre assez solide. Pei s’est donc converti à des plaques de verre liées par une structure métallique, ce qui fait de ce monument une des plus extraordinaires constructions que je connaisse.
    Biasini a bien cru ne pas arriver à finir, ni même tout simplement à faire avancer les travaux. Aujourd’hui, même si tout n’est pas terminé, il a tout de même remporté une sacrée victoire. Comme c’est un homme qui croit à ce qu’il fait, il rougissait de contentement, hier, en me faisant le récit – que j’ai noté ici de façon cursive, sans les détails qui lui donnaient tout son prix – de son entreprise.
    Toujours pas de déclaration de candidature de Mitterrand.

    6 mars
    Au tour de Jacques Chirac de participer à « Questions à domicile » avec Anne Sinclair et Pierre-Luc Séguillon.

    22 mars
    Ça y est : Mitterrand est officiellement candidat. Il a fait acte de candidature sur Antenne 2 avec une sorte de retenue que je ne lui connaissais pas. Est-ce vraiment qu’il ne se sent pas sûr de lui ? Ou n’est-ce pas plutôt pour montrer que la quête du pouvoir, du pouvoir à tout prix, n’est pas son seul moteur ?
    Il fallait l’entendre en effet, de bleu clair vêtu, hocher la tête comme s’il tournait sept fois sa langue dans sa bouche, et émettre un tout petit « oui » en réponse à la question de Paul Amar et d’Henri Sannier : oui, il sera bien candidat à la présidentielle. « Vous avez longtemps réfléchi ? » lui a-t-on demandé. « J’ai le droit, non ? » a-t-il répliqué sur-le-champ, ironique, presque mordant.
    Ce qui m’a surprise, c’est qu’après ce « oui » presque hésitant, il a entamé sans souffler une charge que je n’attendais pas contre Jacques Chirac. Comme si le seul fait d’avoir avoué ses intentions l’autorisait d’un coup à se départir de sa sérénité. À retrouver immédiatement son visage âpre, politique, engagé. Dès les premières minutes, en quelques phrases, il

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