Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
gestionnaire aux mains sales, de l’autre les artistes aux mains pures ».
Ce début d’année est difficile, décidément, pour le gouvernement et la Présidence. Les grèves dans les services publics – il se confirme que la CGT et le PC n’y ont pas été étrangers – ont empoisonné la fin de l’année dernière sans que je retrouve, dans la gestion des problèmes sociaux, la force de persuasion et le langage engagé du Michel Rocard que je crois connaître.
25 janvier
Jacques Boutet, l’ancien président de TF1 en 1981, est nommé président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Bonne chance à lui !
Je n’ai pas parlé ici de toute l’agitation qui a entouré, depuis l’automne dernier, la disparition de la CNCL et la création d’une nouvelle Haute Autorité. Pour deux raisons principales : la première est que Catherine Tasca, chargée de mettre sur pied la nouvelle institution, a, pour ce faire, consulté un tas de gens, mais aucun membre de feu la Haute Autorité, encore moins sa présidente ! Pas de rencontre non plus avec Jack Lang, qui, en tant que ministre de la Culture, chapeaute l’opération. Je suppose que ma présence dans une chaîne privatisée m’a exclue de la liste des professionnels consultés par eux.
À Matignon, en revanche, Michel Rocard m’a interrogée longuement sur la dualité de cette institution qui peut paraître source de contradictions. Il a raison : d’une part, un pouvoir de gestion, exercé notamment par la nomination des présidents des chaînes de service public par le CSA ; de l’autre, un pouvoir de sanction censé s’exercer sur ces mêmes dirigeants nommés par elle ainsi que sur les dirigeants des chaînes privées qu’il ne nomme pas. Rocard n’a pas tort, je trouve, de s’interroger sur la difficulté née de ce double aspect de l’instance de régulation.
Je lui ai dit que la nomination des présidents était, à mon sens, la prérogative la plus importante pour couper le « cordon ombilical », selon la formule consacrée, entre le pouvoir et l’audiovisuel. Nous avons évoqué la possibilité d’une sorte de double collège à l’intérieur du futur CSA. Franchement, à la réflexion, cela paraît singulièrement compliqué. La seule conclusion immédiate que je tire de cet entretien avec un homme qui connaît mieux les choses de l’audiovisuel qu’il ne le dit est qu’il n’est pas d’accord, sur la constitution du CSA, avec Catherine Tasca, et donc sans nul doute avec Mitterrand.
En définitive, c’est apparemment Catherine Tasca qui a gagné, puisque le CSA, officiellement né aujourd’hui, ressemble de ce point de vue à la Haute Autorité : même nombre de membres, même processus de désignation. Une vraie différence, en revanche : le CSA dispose des pouvoirs de sanction que nous avions réclamés sans succès.
26 janvier
Rendez-vous avec Bernard Tapie, demain matin. On a beau dire, c’est un personnage ! Longtemps j’ai détesté son côté vendeur de cravates (en réalité, il a commencé en vendant des téléviseurs), puis ses tentatives de chanteur mondain, puis, assez vite, sa façon plutôt minable d’acheter des entreprises en grandes difficultés pour les retaper, voire les démembrer, les revendre ou les liquider. Quand, avec la bénédiction de l’Élysée, il s’est lancé dans la télévision, en 1983 et les années suivantes, j’ai trouvé qu’il en faisait beaucoup. Mais il était, je m’en souviens fort bien, un animateur à la repartie facile, sympathique, ayant réponse à tout, doué d’un formidable bagout.
Avant de le voir, je repasse en revue son itinéraire depuis sa plongée dans l’OM, en 1986, et les quelques grandes victoires du club marseillais. C’est à ce moment que j’ai commencé à me dire qu’il n’était pas indifférent, qu’un homme capable de galvaniser ainsi des joueurs serait sûrement, à Marseille, un homme politique avec lequel il faudrait compter, qu’il fallait en tout cas surveiller sa progression.
Puis sont venues les législatives de 1988 et sa première candidature dans la 6 e circonscription de Marseille. Une histoire qui l’a beaucoup marqué : il était très bien placé au premier tour 3 , était considéré comme élu au second, l’espace de quelques minutes seulement, avec un avantage chiffré en dizaines de bulletins ; et puis son adversaire URC-UDF a obtenu à l’arraché 50,09 % des suffrages. Il faut dire que la
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