Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997
tout au long de l’avenue des Champs-Élysées, en début de soirée, imaginé par Jean-Paul Goude avec personnages multiples et symboles historiques. Des milliers de figurants sont prévus pour une fête populaire qui doit marquer les esprits.
Le Bicentenaire, m’explique-t-il, c’est aussi beaucoup d’autres choses : partout en France on lui demande d’homologuer tels ou tels produits. C’est la Mission qui organise les déplacements symboliques de François Mitterrand, lequel tient beaucoup à ce que cette commémoration historique ait la place et le rayonnement qu’elle mérite.
Le Premier ministre est peu impliqué dans cette démarche. En revanche, Jeanneney ne le dit pas, mais je le devine à la manière un tantinet ironique dont il m’en parle, Jack Lang intervient au maximum dans la marche de la Mission. Non, ce n’est pas tant qu’il intervienne, c’est plutôt qu’il tire la couverture à lui...
Jeanneney sourit pour celer son indignation.
9 juin
Pendant que le service public diffuse des émissions électorales officielles qui ennuient tout le monde, nous avons organisé, hier à TF1, un débat avec les six têtes des listes européennes, ce qui n’avait encore jamais été fait : Giscard, Simone Veil, Fabius, Le Pen, Philippe Herzog (PC), Antoine Waechter (pour les Verts) n’ont encore jamais été réunis sur le même plateau ; ils ne se sont même jamais parlé pendant la campagne, tous refusant d’être devant les caméras avec Jean-Marie Le Pen. Et puis Carreyrou et moi leur avons fait, sans trop y croire, la proposition d’un débat à six. Ils ont accepté. Pour que ce ne soit pas trop désordonné, nous avons eu l’idée d’opposer les candidats deux à deux selon une mécanique infernale où chacun, au bout du compte, aura été confronté à tous les autres : Simone Veil contre VGE, puis la même contre Fabius, contre Le Pen, etc.Nous craignions évidemment les incidents, mais il n’y en a pas eu un seul. Au point que Le Pen, en partant, a dit que le débat avait été « tristounet ».
Chacun, homme ou femme, a quitté le plateau en pensant qu’il avait été le meilleur. Dix millions de téléspectateurs – dix millions ! – les ont regardés, nous ont regardés hier soir ! Comme dit Gérard Carreyrou, s’ils sont aussi nombreux à voter, ce sera déjà très bien !
18 juin
Je n’oublierai jamais cette soirée électorale ! Les sondages se sont surpassés, y compris le sondage « sortie des urnes » qui nous a annoncé, alors que nous commencions à commenter les chiffres, que Simone Veil obtenait un score remarquable – autour de 14 %, si ma mémoire est bonne – alors que Giscard ne récoltait que 20 à 22 % des suffrages. Or c’était un des enjeux – sinon l’enjeu principal – de la soirée.
Je reviens sur la chronologie des événements : finalement, Simone Veil, jugeant que le RPR et l’UDF ne partageaient pas la même idée de l’Europe, avait décidé de conduire une liste différente, à la tête des centristes. La question était de savoir si, face à la liste unique RPR-UDF, elle serait pulvérisée. Certes, elle avait conduit pour le compte de la majorité les élections européennes de 1979. Était-ce suffisant ? Sa personnalité pourrait-elle déborder les électeurs du petit CDS ?
Deux questions, donc, pour cette soirée : le rapport gauche/droite, évidemment, donc le choc Fabius/Giscard ; et, deuxième clef du scrutin : le score de Simone Veil allait-il porter ombrage aux troupes de l’opposition conduites par Giscard ?
J’écris cela, ce soir, car on ne pourrait rien comprendre à ce qui s’est passé au cours du direct si on n’a pas ces brefs rappels en tête.
Donc, hier soir, Simone Veil est arrivée assez tôt sur le plateau. Elle a été, je crois, la première à nous rejoindre, d’autant plus rayonnante que les premiers chiffres de la Sofres que nous annoncions étaient bons pour elle. Et puis, au bout d’à peu près une demi-heure, j’aperçois, se frayant un chemin en dessous de l’objectif des caméras, Étienne Mougeotte se diriger vers moi, rampant à demi pour éviter d’entrer dans le champ de la caméra. Parvenu près de moi, il me tend un bout de papier sur lequel je lis, hâtivement écrit, quelque chosecomme : « Attention, les sondages des autres instituts ne donnent pas les mêmes résultats que la Sofres. Partout Simone Veil est en dessous de la barre des 10 %. » Je
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