Camarades de front
fausset :
– Oui, mon général ! On la boucle. Je crois à la Sainte Trinité et à la victoire. Au nom d’Adolf, amen !
– Il est raide fou ! dit-il.
Le légionnaire fit un signe à Petit-Frère et tous deux vinrent se placer devant Fischer qui se tenait larmoyant au garde-à-vous.
– Repos, canonnier ! commanda le légionnaire comme à l’exercice.
Fischer avança un pied et se détendit. Ses yeux regardaient le légionnaire, mais il paraissait ne pas voir.
– Couche-toi et dors ! dit encore la voix dure.
L’artilleur, toujours au garde-à-vous, aboya :
– Batterie en position. Feu ! Les hommes, planquez-vous ! – D’un bond énorme il aboutit dans son lit, se roula sur le dos et les yeux fixes regarda le plafond.
– Merde alors ! s’exclama le Prussien de l’Est, il est complètement siphonné !
Notre déjeuner prenait fin lorsque, tout à coup, la porte s’ouvrit livrant passage à un rouquin, chapeau tyrolien sur la nuque, qui entra suivi d’un type à peau basanée, massif, le feutre enfoncé sur le crâne comme s’il était trop grand.
– Heil ! cria le rouquin.
Quinze hommes levèrent le nez de la soupe aux orties, d’un air intéressé. – Je t’emmerde ! dit le Prussien de l’Est.
Le rouquin se mit à rire : – Viens me voir un jour, aspirant héros, et je té chaufferai les couilles de telle façon que tu pourras y cuire des œufs.
– Vous êtes de la territoriale ? demanda Petit-Frère en regardant curieusement les deux civils.
Le rouquin ricana : – Elle est bien bonne ! On est d’une territoriale mais pas celle que tu crois, mon garçon. – Il pouffa et tapa sur l’épaule du basané dont le sérieux restait glaçant.
Le légionnaire plissa les paupières.
– Police ? dit-il.
Le rouquin hocha la tête : – Dans le mille. Kripofritz. N’avez encore jamais vu ça, hein ? Lequel d’entre vous, héros fatigués, se nomme Georg Frey tag du 7 e régiment de la flak ?
Tous les regards se tournèrent vers Georg, lequel, blanc comme un linge, s’appuyait à la table. Le rouquin se colla devant lui.
– Alors, mon ange, tu es Georg Freytag ?
Georg ouvrait et fermait la bouche sans qu’un mot dépassât ses lèvres.
Le rouquin se pencha en avant et sourit.
– Perdu la parole, petit lapin ? Parce que l’oncle Kripo vient te voir ? Peut-être avons-nous une bonne nouvelle… un gros héritage d’une dame qui est morte subitement… Si on a une bonne conscience on n’a pas peur de l’oncle Kripo !
Il régnait dans la salle un silence de mort.
– Tu ne veux rien dire à l’oncle ? C’est dommage. Vois-tu un inconvénient à. ce que je regarde dans tes bagages pour voir si tu es l’héritier que nous cherchons ?
Sans attendre une réponse, il se pencha et tira le sac du jeune soldat vers lui.
– Non ! hurla Georg. Ne pas toucher, c’est à moi.
Le rouquin fit comme s’il n’entendait pas et le basané vint se placer, tel un roc, derrière le dos de Georg. Le rouquin se mit à fouiller. Son manteau de cuir noir s’entrouvrit et on aperçut la bretelle de cuir brun qui soutenait l’étui du lourd 38. Georg le regardait hypnotisé. Brutalement, l’homme éparpillait ses affaires militaires si soigneusement pliées ; une boîte de confitures roula sur le plancher suivie de la photo d’une dame à cheveux gris.
– Maman ! cria Georg désespérément en suivant des yeux la, photo.
Quelques livres de classe furent jetés à terre, puis une Bible, et enfin un couteau dans sa gaine – le genre de couteau que les Finnois portent à leur ceinture.
Le rouquin tira lentement le couteau hors de sa gaine de peau de renne et examina l’acier brillant creusé d’une profonde rainure.
– C’est à toi, petit ami ? – L’arme disparut dans la poche de la capote noire. Entre deux doigts le policier tenait maintenant une culotte de femme, une culotte blanche que suivirent une culotte bleue, puis encore une blanche… en tout six.
Il se leva. L’air narquois avait disparu, il ne restait que la hyène qui aboyait.
– Assez de frime ! C’est toi qui as assassiné les filles. Nier ne fera qu’aggraver ton cas. Amène-toi ! – Les deux hommes l’empoignèrent aux épaules,
– Laissez-moi, je suis malade ! criait Georg avec désespoir. J’ai de la fièvre. – Il essayait de donner des coups de pied aux deux colosses.
– Du calme, dit le basané qu’on entendait pour la première fois.
Loin
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