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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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haussa les épaules et la repoussa. Plus loin, toute une famille accompagnait un garçon de dix-sept ans qui partait pour un camp d’instruction en Pologne.
    – Sois fier et brave ! criait le père – un Regierungsrat, disait-on – fais honneur à ta famille !
    – Bientôt une lettre, neveu ! glapissait un vieil homme à cheveux blancs, en uniforme fantaisie de colonel de la Première Guerre mondiale. Qu’elle nous dise que le Führer t’a donné la croix de fer !
    – Envoie une photo dès que tu pourras, murmura la mère qui essuyait une larme furtive.
    Le père la regarda avec reproche à travers son monocle : – Les femmes allemandes ne pleurent pas, Louise !
    Un pasteur en chapeau rond passa un bras autour des épaules de la mère et dit, consolateur : – C’est un honneur que d’envoyer un fils combattre les barbares qui menacent de submerger notre patrie !
    Un autre membre de la famille, en tenue nazie, le regarda vivement :
    – Comment ? L’ennemi menace de submerger notre patrie ? Le Führer n’a-t-il pas expliqué que les lignes étaient simplement rectifiées ?
    – Rectifiées jusqu’à Berlin ! ricana tout doucement un sous-officier accoudé à une fenêtre du train.
    Le prêtre cilla craintivement. Il passa un doigt entre son col dur et son cou, et sa pomme d’Adam se mit à gigoter tandis qu’il regardait humblement l’homme du Parti.
    – Monsieur le chef de secteur m’a certainement mal compris. Je veux dire que l’ennemi déferle sur l’Ukraine qui, selon les paroles du Führer, est aussi notre patrie.
    – Quand le Führer a-t-il dit ça ?
    – Maintes fois, en parlant du grand Reich qui doit s’étendre jusqu’au Caucase, où sont justement nos ennemis en ce moment.
    Le chef de secteur toisa le prêtre qui penchait sa tête de côté en joignant les mains.
    – Ne serait-ce pas une bonne chose pour vous, monsieur le pasteur, que d’aller faire un tour dans l’Est pour aider nos héros à chasser les ennemis du grand Reich ? – Il rayonna en voyant le pasteur tressaillir.
    Une silhouette grise se déplaçait le long du train, et Bauer hurla de joie en reconnaissant l’Ewald de Tante Dora en uniforme de campagne.
    Deux jours plus tôt, il avait passé la petite porte grise qui menait au Q. G. de la Gestapo à la Karl Muck Platz, et, après avoir attendu longtemps, s’était enfin trouvé dans le bureau de Bielert dont un S. S. noir fermait la porte.
    Bielert, assis sur un coin de table, reçut des mains d’Ewald l’habituelle liasse de papiers couverts d’une écriture serrée. Il tapa sur la liasse.
    – Combien de mensonges et d’inventions là-dedans ?
    – Rien ! Herr Brigadenführer. Tout est vrai !
    – Tu peux supprimer le « Herr. » Chez nous on dit Brigadenführer tout court, grinça Bielert. Tâche de t’en souvenir. – Et un déluge d’injures tomba sur Ewald ahuri qui n’y comprenait goutte. Enfin, Bielert exhiba une feuille de papier blanc barrée d’un trait rouge et la mit sous le nez d’Ewald.
    – Voilà ton affectation à un régiment disciplinaire. Tu as été soldat six semaines en tout, n’est-ce pas ?
    – Oui, Brigadenführer, trompeta Ewald en claquant les talons comme on le lui avait appris sur la place d’armes de Grafenwehr.
    Rien que ce souvenir lui donna froid dans le dos. Plutôt la prison qu’une caserne d’infanterie, avait-il dit à ce moment-là. Il fut transporté lorsqu’on découvrit que son appel était une erreur ; en réalité il était destiné à une maison de redressement pour vols et autres bagatelles. Renvoyé de l’armée et ayant purgé sa peine, il vécut dans les bas-fonds de Hambourg, mais maintenant on n’était plus si difficile. Le front accueillait tout le monde, même les gens comme Ewald, et les régiments disciplinaires étaient là pour les bandits de son espèce.
    Bielert s’était penché sur lui et avait chuchoté :
    – Mais il y a une autre solution, mon petit ami.
    Le visage d’Ewald s’éclaira ; il se voyait déjà sauvé. La maison de redressement, il s’en était tiré en devenant mouton. Rarissimes étaient les gens sortis de la Gestapo à la suite des dénonciations d’Ewald, et Paul Bielert lui devait au fond d’avoir été nommé Brigadenführer, car le souteneur, tout à fait par hasard, était tombé sur une affaire importante.
    – Je ferai tout ce que vous voudrez, Brigadenführer, balbutia Ewald avec un regard de chien couchant.
    .

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