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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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dans l’escalier nous pouvions encore entendre Georg qui criait : – Laissez-moi, laissez-moi ! J’ai de la fièvre.
    Quand un instant après la voiture s’arrêta au haut de la Reepersbahn, Georg réussit à s’arracher aux policiers, et, filant le long de Glacis Chaussée, il sauta par-dessus la haie qui donnait sur la Sportsplatz. Sur ses talons galopaient les deux hommes.
    – Halte ! crièrent-ils trois fois, réglementairement. Halte !
    Puis les salves retentirent. Un bruit léger de baiser. Les projectiles des mitraillettes le firent sauter en l’air ; un instant il parut flotter, puis il s’écrasa brutalement. Il gratta la terre et murmura quelque chose d’incompréhensible.
    Le rouquin le retourna du bout de sa botte :
    – Mort. Besogne faite. Filons chez le « Beau Paul » avec le corps.
    Le basané au volant, ils roulèrent vers la Criminelle.
    – On a de la veine, nous deux. Pas encore de front de l’Est pour cette fois-ci.
    –  L’homme qui aura mon cœur n ’ est pas encore né, avait toujours dit Tante Dora.
    –  Aimer une seule femme est contre nature prétendait le légionnaire.
    Mais ces propos dataient d’avant leur rencontre.
    Maintenant, ils étaient redevenus des enfants et rêvaient d’un paradis, c’est-à-dire d’un petit bar avec sept tabourets.
    Tante Dora supplia le légionnaire de déserter mais il était trop vieux et trop malin pour tenter ce coup de folie.
    Le train partit et les sépara comme tant d’autres. La guerre continuait plus farouche que jamais.
     

TRAIN DE PERMISSIONNAIRES
     
    L’OFFICIER de service à la gare vérifia nos papiers et dit d’un ton bref :
    – Train de permissionnaires Berlin-Varsovie-Lemberg quai 4.
    – Alors, ça y est ! soupira le légionnaire.
    Le capitaine le regarda et fit, narquois : – César en a dit presque autant en passant le Rubicon.
    – Oui, alea jacta est.
    Etonné, l’officier dévisagea le soldat balafré :
    – Vous êtes étudiant, obergefreiter ?
    – Non, 2 e bataillon de la Légion étrangère, rétorqua le légionnaire que la surprise de l’officier amusait.
    – Et vous savez ce que ça signifie ? insista l’autre.
    – Oui, figurez-vous !
    L’officier rougit et nous fit passer. Petit-Frère poussa soudain un cri et partit au pas de course. Il venait d’apercevoir Boule de suif laquelle, à la surprise générale, était venue lui faire ses adieux. Ils se précipitèrent l’un contre 1’autre comme deux éléphants de guerre.
    Le train, tel un long serpent avide, attendait la foule des soldats qui se pressait sur le quai. Je regardai la grande pendule de la gare dont les secondes filaient sur le cadran, noires et menaçantes. L’aiguille tournait… tournait… les dévorait Tune après l’autre… bientôt ce serait fini.
    Le Prussien de l’Est et Thomas Jensen arrivaient lentement, tassés sous le lourd barda de fantassin. Stein et Bauer se penchèrent par la fenêtre du compartiment et crièrent qu’ils avaient cinq places ; comme nous leur tendions nos paquetages, une petite « Croix-Rouge » nous demanda si nous voulions du café, c’est-à-dire ce liquide qui semblait la décoction d’un vieux sac de jute.
    – En voiture ! criait l’officier de quai pour la quatrième fois, car personne n’en tenait compte.
    On poussa brutalement quelques hommes, parmi lesquels Petit-Frère qui éructa un torrent d’injures à l’adresse d’un sous-off de la gendarmerie, mais celui-ci, sachant par expérience qu’il valait mieux ne pas chercher la bagarre avec les permissionnaires du front, disparut comme par enchantement. Ce genre de trains avait le don de vous mettre les nerfs à vif. On entendit une voix de femme qui appelait : « Alfred ! » Le légionnaire pivota sur ses talons et courut vers un kiosque où Tante Dora, le col remonté sur les oreilles, se dissimulait tant bien que mal.
    Elle posa sa main sur l’épaule du petit légionnaire et lui dit à voix basse :
    – J’ai apporté des vêtements civils pour toi. Dépêche-toi de te changer dans les toilettes et file !
    Le légionnaire plissa les paupières :
    – Dora, ma vieille, pas de bêtises ! Tu connais ces chiens de la gendarmerie aussi bien que moi. Pas un sur mille ne réussit le coup, et, si on me prend chez toi, tu es fichue aussi.
    – Je n’ai pas peur de leurs prisons !
    – Non, mais moi de leurs balles !
    Il tira de sa. poche une, coupure de journal et la mit sous les yeux

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