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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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à rire et menaça le géant dont la tête émergeait du troupeau disparate. Il y eut des horions et un murmure de colère finit par monter de la compagnie, tandis qu’une pierre venait frapper l’épaule de Petit-Frère. C’était un Tchèque portant l’uniforme de la police du front qui l’avait jetée. Le géant retroussa ses lèvres et se glissa vers l’homme qui battait en retraite, quand une main de fer l’empoigna par la gorge et le jeta, terrifié, sur le bas-côté de la route. Puis notre camarade nous rejoignit et se mit à chanter.
    Trois jours plus tard, nous étions à Proskurow où l’étrange compagnie fut dissoute, chacun ayant à se débrouiller au mieux. Ce fut dans cette ville que nous vîmes pour la première fois les terribles prémices d’un état de choses encore plus affreux.
    Deux fantassins, des vieux, étaient pendus, chacun à son poteau télégraphique, avec sur la poitrine une pancarte où flamboyait en lettres rouges «  Trop lâche pour défendre la patrie ! »
    Nous nous arrêtâmes pour regarder les corps qui se balançaient dans le vent au milieu de la place.
    – Pour eux la guerre est finie, philosopha le Prussien-de l’Est.
    – Je connais, dit le légionnaire en se grattant le nez. C’est bon signe. On voyait ça aussi dans les montagnes du Rif avant la reddition des insoumis.
    Nous poursuivîmes la traversée de la ville à la recherche d’un endroit où passer la nuit. Un bâtiment se présenta qui ressemblait à une grange, exhalant une forte odeur de pommes de terre pour ries et de foin moisi.
    – Tant pis, dit le Prussien de l’Est, il faut bien rester là.
    – Bien, dit Petit-Frère, tu seras le premier qui filera.
    Telle une locomotive il fonça dans l’obscurité d’où sortirent des jurons et des blasphèmes. Deux corps volèrent dans les airs et en quelques minutes nous étions logés tous les sept.
    Le lieutenant Ohlsen riait lorsque, dans la nuit, une voix s’éleva.
    – Petit-Frère, est-ce toi ?
    Le légionnaire alluma une lanterne et, stupéfait, reconnut 1’Ewald de Tante Dora.
    – Sainte Mère de Dieu ! tu es là aussi, clama Petit-Frère. Attends seulement jusqu’à demain et tu auras la fessée que tu mérites !
    Soudain, il poussa un hurlement de joie et bondit par-dessus les corps endormis. Un cri de femme lui fit écho.
    – J’ai ferré une fille ! – Des voix féminines protestèrent, furieuses. – Venez les gars ! c’est tout un bordel de campagne !
    Une autre lanterne s’alluma et fit briller les insignes d’un capitaine. Ce que Petit-Frère avait pris pour un bordel était une section de la Croix-Rouge et de téléphonistes de l’aviation. Le géant se lamentait ; il nous fallut l’asseoir de force et le lieutenant Ohlseù s’employa à calmer le capitaine qui parlait de conseil de guerre pour tentative de viol.
    Le silence se fit. Minuit venait de sonner lorsque tout le monde fut réveillé par un bruit de bottes cloutées. Des lumières clignotaient, des voix brutales réclamaient les livrets militaires et les ordres de mission. C’étaient les hyènes de la police. Solidement armés et massifs comme des rocs, ils cernaient la grange ; leurs plaques en demi-lune luisaient dangereusement dans la pénombre, plus terrifiantes mille fois que les mitrailleuses ennemies.
    La peur… une peur atroce, nous entra dans la peau. On pouvait parfois s’entendre avec Ivan mais, avec ces brutes jamais. Elles étaient l’incarnation même de la bestialité. Déjà ils en tenaient un : un sous-officier d’artillerie qui se débattait et criait : – Laissez-moi, laissez-moi ! Lâchez-moi. Vous n’allez tout de même pas me tuer ! J’ai des enfants, trois enfants, ma femme est morte dans un bombardement. Il faut que je revienne pour mes enfants !
    – Ta gueule, cochon ! glapit le feldwebel dont l’insigne lançait des éclairs meurtriers.
    Le sous-officier devint comme fou : – Lâchez-moi, salauds ! Tueurs de camarades ! – il se débattait – je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir !
    Ils le passèrent à tabac. Un Oberfeldwebel lui donna un coup de pied dans l’entrejambes, ce qui le fit s’effondrer dans un hurlement. Ceux qui le tenaient le lâchèrent. Tout à coup, il se précipita sur le policier le plus proche qui tomba comme une masse sous cette poussée inattendue. La peur de la mort donnait au malheureux une force inouïe. Il mordit l’homme au visage en poussant des hurlements

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