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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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belle. Une fille le héla mais il n’entendit rien. Elle rit et lui jeta : – Cochon ! – C’étaient une demi-livre de beurre et une bouteille de vodka qui lui passaient sous le nez.
    La maison, enfin ! Un bâtiment pompeux à perron de granit poli et à portail en fer forgé ; escalier de marbre avec à chaque palier, des miroirs dans un cadre doré où des anges soufflaient dans des trompettes. Il avait tellement ri en voyant ces anges à sa première visite ! Le tout était énorme, plein d’ostentation.
    Au premier, une grande porte de chêne avec plaque de cuivre portant en lettres gothiques : « Regierungsrat » (Conseiller d’Etat). Le lieutenant regarda la plaque, évoqua les beaux-parents hautains et la belle-sœur cancanière… Il respira avant de tirer la sonnette dont le tintement retentit dans l’appartement.
    Silence. Il sonna de nouveau. Pas un bruit. Il frappa, d’abord discrètement, puis plus fort. Rien ne répondit.
    – Personne à la maison ? se dit-il. Curieux ! – Il tambourina sur la porte de chêne sculpté. Rien. Alors, il s’assit sur une marche, tout désemparé. Au loin une horloge sonna douze coups. Il était minuit.
    Inge aurait dû être rentrée, Gunni avait toujours peur quand il était tout seul… Il écouta… Mais oui, quelque chose bougea. Il avait l’impression qu’une soie bruissait légèrement… Il en était certain, quelqu’un se tenait derrière la porte.
    Le battant de chêne sculpté semblait railler le soldat du front. Quelqu’un glissait, quelqu’un qui ne voulait pas ouvrir. Il bondit et se remit à tambouriner. Aucune réponse. Il essaya de regarder par les jointures de la porte, mais quelque chose les masquait, une sorte d’étoffe rouge. Il se mit à taper des deux poings. Tout demeura silencieux.
    Il crut entendre une voix d’homme chuchoter. Un homme ? A cette heure ? Chez son Inge ? Impossible. Elle l’aimait. Le jour où ils s’étaient dit au revoir sur le quai de la gare d’Anhalt, c’était la dernière phrase qu’elle avait murmurée. Elle l’aimait, elle l’attendrait…
    A pas lourds, il descendit l’escalier en laissant violemment retomber la porte dont le fracas résonna dans toute la maison, puis, silencieusement, il remonta et se blottit dans un angle d’où il pouvait surveiller le palier.
    Il soufflait en serrant les poings sur ses musettes. Les anges à trompettes paraissaient lui rire au nez et il cracha dans leur direction. La prédiction du légionnaire sonnait à ses oreilles : « Bétail inutile, né pour l’abattoir »…
    Un monsieur élégant et une dame entrèrent dans le hall et s’arrêtèrent pour s’embrasser. Ils riaient. La dame donna une tape sur la main entreprenante de son cavalier.
    – Otto ! Attends un peu… Tu me rends folle ! – Elle eut un petit cri. – Non, pas ici, s’il venait quelqu’un !
    Ils continuèrent à monter et furent très gênés à la vue du lieutenant. Assez inquiets aussi. Les Allemands eux-mêmes pouvaient se méprendre et confondre l’uniforme noir des troupes blindées avec celui des S. S. Les sinistres têtes de mort rappelaient les expéditions de nuit dans les voitures noires elles aussi.
    Le monsieur et la dame se hâtèrent davantage et le regardèrent par-dessus la balustrade du troisième étage. Ohlsen entendit des mots chuchotés.
    « Rafle… Gestapo… » Une porte se referma vivement.
    – Leur nuit est fichue, pensa-t-il en allumant sa quarante-troisième cigarette. Il regarda sa montre. Bientôt trois heures.
    Soudain, la porte de l’appartement s’ouvrit sans bruit. Il se pencha contre la rampe et put voir entre les barreaux un homme qui se glissait au-dehors. Un homme grand et fort en vêtements civils bien coupés. Il y eut des baisers, une voix de femme gémit…
    – Adieu, chérie, dit l’homme à voix basse. A jeudi. J’enverrai un paquet au petit.
    Il descendit l’escalier sans apercevoir l’ombre accroupie derrière la rampe.
    Un voile de sang rouge passa sur les  yeux du lieutenant. Ses oreilles se mirent à siffler, ses ongles entrèrent dans ses paumes. U pleurait avec un tel désespoir qu’il en avait des crampes : – Pourquoi, Inge, pourquoi ? – Tout à coup, une idée atroce l’étreignit : – Et Gunni ? Etait-ce Gunni que l’homme désignait en disant « le petit » ? Gunni qui était à lui… Gunni son fils ! Il irait à la Gestapo, chez les S. S., en enfer… Rien au monde ne

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