Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
ne
sait pas si la ville a été incendiée par les Normands ou si elle a été
engloutie par un effondrement suivi d’un raz-de-marée. À Saint-Michel-en-Grève,
à la limite des Côtes-du-Nord et du Finistère, il y a une cité engloutie, non
pas sous la mer, mais sous les dunes de sable, à laquelle s’attache une
curieuse histoire de dragon qui vit dans une caverne, dragon que le fameux roi
Arthur a été incapable de maîtriser sans le secours du saint local, saint
Efflam. Mais, il est vrai que l’ombre de saint Michel rôde sur ce pays. Dans le
sud de la Bretagne, de l’autre côté de la Loire, c’est la cité d’Herbauge qui
est engloutie sous les eaux du lac de Granlieu. Dans la vallée de la Vilaine, au
nord de Redon, il y a une ville disparue dans les marécages de ce qu’on appelle
la « mer de Murin ». À Erquy, dans les Côtes-du-Nord, l’antique cité
de Nasado gît au large, dans les eaux de la baie de Saint-Brieuc. Aux alentours
de Carnac, notamment vers la pointe Saint-Colomban, des traditions confuses
rapportent qu’il existait autrefois une ville magnifique. Mais là, c’est le
sable qui a tendance à empiéter sur la mer, puisque Quiberon était autrefois
une île séparée de la terre ferme. Et si, dans le golfe du Morbihan, on ne
parle pas d’une cité engloutie, il existe néanmoins un témoignage réel et
visible : le fameux cromlech d’Er-Lannic qui est immergé, ce qui suppose
un effondrement de terrain bien authentique.
Certes, on pourrait faire référence à des événements
géologiques très anciens. Lors d’une des plus grandes avances de l’émersion du
continent européen, à l’époque pliocène, c’est-à-dire en des temps relativement
récents, quand apparaissaient les aurochs, les éléphants et les chevaux, la
France et la Hollande étaient unies à la Grande-Bretagne et celle-ci à l’Irlande :
cet ensemble formait un vaste promontoire occidental, à travers lequel
serpentaient, vers le nord, le Rhin, grossi de l’Elbe, de la Tamise, de la
Tweed et de la Tay, avant de se jeter dans la mer du Nord au large de l’Écosse,
et la Seine, énorme fleuve qui recevait l’Orne, les rivières bretonnes du nord,
dont l’Ille et la Rance, et toutes les rivières du sud de l’Angleterre, avant
de se jeter dans l’Atlantique par un large estuaire qui s’étendait entre les
côtes du Nord-Finistère et du Cornwall. Ces réalités géologiques expliquent en
partie les légendes innombrables concernant les îles ou les villes disparues, même
s’il convient d’accorder un sens très restreint au mot ville surtout
dans une région qui, historiquement, n’a jamais connu de véritable urbanisation
avant la fin du Moyen-Âge.
Précisément, la légende de la ville d’Is n’est pas unique. Elle
se retrouve, non seulement sur les côtes de la péninsule armoricaine, mais également
en Grande-Bretagne et en Irlande. Il semble que le légendaire celtique se soit
montré très vigilant à conserver ce type de catastrophes naturelles, souvent
justifiées par la vengeance d’une divinité ou d’un être féerique.
C’est ainsi qu’au Pays de Galles, dans la baie de Cardigan, est
localisée une légende identique à celle de la ville d’Is, celle de Gwyddno Garanhir.
On la trouve rapportée dans un poème en langue galloise conservé dans le Livre
noir de Carmathen, et aussi dans une des mystérieuses Triades de l’Île
de Bretagne, qui concentrent, sous une forme ternaire, un nombre
impressionnant de traditions relatives au Pays de Galles et à ceux qu’on
appelle les Brittons, c’est-à-dire les Bretons, les Cornouaillais et les
Gallois. On peut en effet lire, dans les Triades le résumé suivant :
« Trois ivrognes dans l’âme de l’Île de Bretagne. Le troisième fut Seithynin
Veddw (Seithynin l’Ivrogne), fils de Seithyn Saidi, roi de Dyved (sud-ouest du
Pays de Galles), qui, dans son ivresse, lâcha la mer sur Cantre’r Gaelod (le
pays du Bas-Fond) : tout ce qu’il y avait là de terres et de maisons fut
perdu. Il y avait auparavant seize villes fortes, les plus importantes de Cymru
(Pays de Galles), en exceptant Caerllion sur Wysg (ancien camp romain devenu l’une
des résidences du fameux roi Arthur). Ce Cantre’r Gaelod faisait partie des
domaines de Gwyddno Garanhir, roi de Caeredigiawn (Cardigan). » Cela
arriva au temps d’Emrys Wletig (Aurelius Ambrosius, premier protecteur de
Merlin et oncle d’Arthur, soit vers l’an 480 de notre
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