Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
ère). Les hommes qui
échappèrent aux flots s’établirent en Ardudwy, dans le pays d’Arfon, les monts
Eryri (le Snowdon) et d’autres lieux qui n’étaient pas habités auparavant.
Cette curieuse histoire n’est guère explicable que par le
poème conservé dans le Livre noir de Carmarthen. Il est question d’une
fontaine gardée par une jeune fille. On se demande évidemment pourquoi cette
fontaine est gardée, mais on se rend compte qu’elle produit de l’eau en
abondance et qu’il est nécessaire de la fermer pour éviter qu’elle ne déborde. C’est
donc une jeune fille qui est chargée de cette mission. Or, un jour, dans son
ivresse, le roi Seithynin, passant à proximité de la fontaine, eut envie de la
gardienne et la viola. On ne dit pas si la jeune fille n’y trouva pas quelque
plaisir, mais durant ce temps, la fontaine déborda, et le pays fut entièrement
recouvert, livrant ainsi passage à la mer, dans ce qui est aujourd’hui la baie
de Cardigan. Et le poème insiste sur le sacrilège commis :
« Seithynin, lève-toi, sors d’ici et regarde
la verte ligne de bataille des flots.
La mer a recouvert la terre de Gwyddno.
Maudite soit la jeune fille
qui a libéré, après avoir gémi,
gardienne de la fontaine, la mer redoutable.
Maudite soit la jeune fille
qui a libéré, après avoir lutté,
gardienne de la fontaine, la mer dévastatrice… »
En somme, la jeune fille qui est gardienne de la fontaine a
beaucoup à voir avec la Dahud de la légende de la ville d’Is. Dahud avait en
charge – ou du moins son père Gradlon l’avait – une clef qui ouvrait et fermait
les grandes écluses de la ville d’Is. La jeune fille du poème gallois, même si
elle est violée par le roi, néglige sa fonction, et la catastrophe ne se fait
point attendre. Il y a une similitude étonnante : le cataclysme qu’on
pourrait croire naturel est le fait d’une femme qui a négligé ses devoirs. C’est
pourquoi, d’après la légende armoricaine, elle est vouée au Diable, d’après le
poème gallois, franchement maudite. On ne peut pas, non plus, oublier le texte
arthurien de l’Élucidation, qui est la préface de tout le cycle du Graal,
et où l’on voit le roi Amangon, ivre, violer une des gardiennes du Graal, dispensatrices
des breuvages mystérieux offerts aux voyageurs. Mais, ce qui est remarquable, dans
la légende galloise, c’est que la mer envahit le pays, d’ailleurs, un pays
bas (sens de Cantre’r Gaelod) en rapport avec Ker-Is, la « ville
basse », à partir du débordement d’une fontaine qui n’était plus
surveillée par une femme.
Ce thème, on le retrouve exactement identique, dans une
légende irlandaise, celle de l’inondation du lac Neagh.
L’histoire nous apparaît comme un peu complexe. Un roi de
Munster a deux fils, Rib et Ecca. Ecca manifeste violemment son indépendance à
l’égard de son père, et un beau jour, « manœuvré par sa marâtre Ebliu, il
causa un grave affront à son père et s’enfuit de Munster avec tous ses
gens. Et son frère Rib, et sa marâtre Ebliu partirent avec lui ». Il n’est
certes pas difficile de deviner quel genre d’affront Ecca fait subir à son père.
Le fait qu’il ait été « manœuvré » par sa marâtre et que celle-ci l’accompagne
dans sa fuite, ne laisse aucun doute sur le genre de relations qu’Ebliu pouvait
entretenir avec son beau-fils. Ebliu était une Phèdre qui n’avait pas eu peur d’aller
jusqu’au bout.
Bref, les fugitifs s’en vont vers le nord et les druides
leur disent qu’il n’est pas souhaitable que les deux frères s’établissent au
même endroit. Sans doute craignent-ils que les relations de la belle-mère et du
beau-fils Ecca ne se répercutent sur son frère Rib. Les frères se séparent donc.
Rib et ses gens vont se fixer dans la plaine d’Arbthenn, « et là l’eau d’une
fontaine jaillit devant eux de la terre et les noya tous ». Mais ce qui
arrive à Ecca est plus compliqué et bien plus étrange. Ecca et ses gens
atteignent en effet Brugh-na-Boyne, c’est-à-dire New-Grange, le tertre où règne
Oengus, le Mac Oc, fils de Dagda. Ils s’arrêtent pour se reposer. Oengus vient
à eux et leur ordonne de quitter l’endroit sans délai. Comme ils sont épuisés
de fatigue, ils ne l’écoutent pas et plantent leurs tentes devant le tertre de
la Brug. Oengus, furieux, fait périr tous leurs chevaux en une nuit, mais le
lendemain matin, cédant aux
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