Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
n’est-il
pas le responsable de bien des deuils dans les familles bretonnes de la côte ?
Les promenades en mer, c’est bon pour les touristes. Les Celtes, eux, comme le
dit Aristote, qui ne comprend d’ailleurs rien à la chose, « menacent et
repoussent de leurs armes le flot qui monte ». Il s’agit d’un rituel d’exécration,
ou de conjuration, en somme fort éloigné des célèbres « bénédictions de la
mer » qui ne sont devenues coutumières en Bretagne que sous l’influence du
Christianisme.
On dira que le légendaire mythologique des Celtes est rempli
d’épisodes maritimes, en particulier dans les fameuses « navigations »
irlandaises où l’on voit des héros se lancer hardiment sur l’océan à la recherche
du Paradis ou de l’île des Fées. Mais d’abord, il s’agit de navigations
symboliques à l’intérieur de l’être. Ensuite, le but est bien précis : ce
sont des navigations vers l’Autre Monde, illustrations très concrètes du thème
de la Quête, dans lesquelles l’errance est renforcée par la notion de l’immensité
et des pays inconnus. Les ennemis surgissent toujours de la mer, les Fomoré en
particulier, qui sont des êtres de l’ombre et du chaos. Si les îles paradisiaques
d’Avalon ou d’Émain Ablach sont quelque part sur l’océan, c’est parce que c’est
l’Autre Monde. C’est pourquoi le dieu Mananann, qui est dit « fils de Lîr »,
c’est-à-dire des « flots », bien qu’il soit considéré parfois comme
une divinité maritime, est avant tout celui qui préside au festin d’immortalité.
Et si la légende de la ville d’Is, ainsi que ses variantes galloise et
irlandaise, sont très connues et très « celtiques » d’esprit, c’est
surtout parce qu’elles témoignent de la peur de l’inondation. Un étrange conte
de haute Bretagne, localisé à Combourg, prétend qu’il y a une pierre blanche au
fond de la fontaine de Margatte et qu’elle l’empêche de déborder. Si un
imprudent retirait cette pierre, tout le pays serait inondé.
Ce ne peut être que le souvenir de lointaines catastrophes, sans
doute celles dont parle Ammien Marcellin à propos des « insulaires étrangers
venus d’au-delà des mers » qui auraient contribué au
peuplement de la Gaule et des îles Britanniques. Comment concilier cette
information – qu’Ammien Marcellin rapporte d’après le témoignagne de Timagène –
avec le fait que les Celtes sont incontestablement venus d’Europe centrale, de
la région du Harz en particulier, c’est-à-dire de la vaste forêt hercynienne
dont ils ont assurément gardé un souvenir beaucoup plus paisible que le
souvenir de leur fuite devant l’invasion des eaux ?
Il faut d’abord constater que les Celtes émigrés de la forêt
hercynienne étaient fort peu nombreux. Ils constituaient une élite
intellectuelle et guerrière dont la supériorité résidait avant tout dans des
systèmes sociaux bien établis et dans une habileté technique incontestable qui
allait de pair avec une puissance intellectuelle et spirituelle. Ces Celtes
minoritaires, qui ont dominé l’extrême Occident, ont dû pactiser avec les
populations autochtones établies là depuis des siècles, voire depuis des
millénaires. Ils se sont fondus avec elles dans une nouvelle société, dans une
nouvelle ethnie, celle que nous appelons précisément celtique, et qui était le
résultat d’une formidable synthèse de tout ce qui avait été hérité du passé. Mais
cette fusion avec les éléments autochtones ne s’est pas effectuée partout de la
même façon : elle dépendait de la proportion de Celtes dans une masse
allogène. Il y a eu des régions où cet élément allogène se trouvait plus fort
que l’élément celtique.
C’est le cas du pays des Vénètes.
Alors, qui sont en réalité ces Vénètes dont César a eu si
peur, et qu’il a voulu éliminer ?
Voici comment le proconsul décrit lui-même ce peuple :
« Il est de beaucoup le plus puissant de cette côte maritime. C’est celui
qui possède le plus grand nombre de navires, et sa flotte fait le commerce avec
l’île de Bretagne. Il est supérieur aux autres par sa science et son expérience
de la navigation. Enfin, comme la mer est violente et bat librement une côte où
il n’y a que quelques ports, dont ils sont les maîtres, presque
tous ceux qui naviguent habituellement dans ces eaux sont leurs tributaires »
(III, 8). On ne peut mieux montrer que les
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